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370 BIBLIOGRAPHIE et ce n'est pas là une des moindres anomalies de ces temps invraisem- blables, que les Mobiles (j'affirme le fait pour le bataillon du Rhône), brûlèrent leur première cartouche ce jour-là . Si j'excepte les quelques chasseurs qui se trouvaient parmi nous, aucun des nôtres n'avait encore manié un fusil. Jamais auparavant, la pratique du tir, même à blanc, ne nous avait été enseignée. Aucun apprentissage préalable ne nous mit en état d'user utilement de nos armes. Les champs de bataille furent nos seules écoles de tir, l'ennemi notre unique cible. » Et plus loin, au moment des horreurs du siège il ajoute : « S'il y eut quelques défaillances, ce ne fut qu'à titre d'ombres au tableau. Ne sont-elles pas inévitables, dans toute réunion d'hommes un peu nombreuse, où la diversité des caractères, la différence d'édu- cation, la variété et l'impressionnabilité des tempéraments, créent autant d'éléments disparates, sur lesquels la volonté exerce une prise plus ou moins efficace. « La moyenne, c'est-à -dire la majorité, se tint entre les deux extrêmes, et accomplit son devoir avec une régularité ponctuelle et résignée, mais sans enthousiasme ni foi, je dois l'avouer pour rester sincère. « Pouvait-il en être autrement ? Nos adversaires possédaient le nombre, l'armement, l'équipement, l'outillage, l'expérience, la disci- pline, des chefs capables et énergiques. Leur admirable artillerie nous fournissait à chaque minute les preuves de son écrasante supériorité. Ils combattaient sous l'égide de la force morale qu'inspire la fidélité de la victoire. Ne suffisait-il pas de comparer pour ne plus douter du dénoue- ment ? A nous, assiégés, quel était notre seul atout ? La chance chi- mérique d'être secourus par suite d'un miraculeux et invraisemblable revirement de la situation. Dans ces conditions, la capitulation s'im- posait forcée, fatale. Ce n'était qu'une question de jours, et notre résistance se transformait en une pure formalité exigée par l'honneur. Or, quand la confiance et l'espoir se sont envolés, il ne reste plus de place que pour la résignation. » Le bombardement a commencé avec une intensité terrible ; au bout de peu de jours, la ville est en partie détruite. La troupe, réfugiée dans les casemates, ne sort que pour le service des corvées, ou se rendre sur les remparts. Le tir de l'ennemi, d'une justesse incomparable, rendait la défense des plus périlleuses.