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                       DE L'ABBAYE D'AINAY                           287

la noblesse relevait de l'Église ou des moines, cet état de choses con-
tribua à l'affaiblissement du pouvoir temporel du clergé. Les empiéte-
ments de territoire effectués par les comtes de Forez et les sires de
Beaujeu furent favorisés et bien accueillis par les gentilshommes ; ils
passaient avec plaisir sous l'autorité de grands seigneurs de leur classe,
qui les menaient courir les hasards et la gloire des champs de bataille,
tandis que leurs camarades, restés sous la domination ecclésiastique,
végétaient et laissaient leurs armes se rouiller. Aussi, quand éclata le
mouvement communal, l'Église n'eut plus assez de soldats à opposer
à l'insurrection d'une ville, dont la population bien armée présentait en
outre une écrasante supériorité numérique sur la poignée d'hommes
d'armes que l'archevêque pouvait faire entrer en ligne.
   Mais ce résultat défavorable ne peut être opposé à l'heureuse influence
que l'esprit pacifique de l'Église exerça sur les mœurs. Le véritable
vice de la prospérité matérielle des monastères n'était pas là, mais dans
leurs richesses. Les admirables règlements créés avec tant de sagesse
par les fondateurs des Ordres religieux, et qui avaient résisté à toutes
les causes de ruines, à la stérilité des déserts, à la rigueur des priva-
tions, à la dureté des climats ici glacés, là brûlants, à l'insalubrité de
l'atmosphère, aux violences des puissants, au fer et à la" flamme des
hordes féroces des Ongres et des Sarrasins, ces règlements se trou-
vèrent sans force contre la puissance de la richesse, bien autrement
redoutable et irrésistible que la fureur des conquérants et l'inclémence
de la nature.

   Devenus riches, les monastères marchèrent inévitablement à la déca-
dence ; la malédiction évangélique les atteignit sans que le vœu de
pauvreté individuelle pût les garantir ; la propriété commune, qui
semblait devoir sauvegarder les individus, n'était plus qu'une fiction
impuissante : le corps étant gangrené, les membres devaient l'être aussi.
La décomposition fit son œuvre et les actes du Cartulaire nous la
montrent dans toute son effroyable laideur. On croirait vraiment à un
violent pamphlet, si le tableau des désordres dans lesquels nos moines
étaient tombés, n'était un document émané de l'autorité ecclésiastique
et consigné dans les archives mêmes du monastère. Il nous montre
non seulement les règles de la vie religieuse, que les moines trouvent
trop sévères (C. 22), mais les lois de la morale vulgaire étrangement
méconnues dans le monastère. Les revenus de l'abbaye sont au pillage