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194 VIEUX BOUQUINISTES La .haine de Boullieux pour Cathabard me remet en mémoire des deux autres célèbres bouquinistes du temps jadis, le gros Fontaine et le petit Suifet, chétif, grêle, dans sa petite redingote, avec une voix de Sixtine et ses cheveux gris, longs et enroulés, à la 1830. Fontaine lui, avait une voix de « centaure » et faisait des plaisanteries dans les ventes. Il disait à mi-voix : « demi-reliure », puis criait « veau ! » de toutes ses forces. Suifet et Fontaine eurent des démêlés homériques; échan- gèrent des brochures, comme les héros des coups de massue. S'il m'en souvient bien, Fontaine était ardent légi- timiste, et Suifet libéral, à moins pourtant que ce ne fût tout le contraire. Tant y a que cela achevait de les aigrir. Une brochure terrible de Fontaine commençait par cet exécrable calembour : « Suifet... bout de chandelle !... » Quant à l'origine de la brouille de Cathabard et de Boul- lieux, elle ne fut point politique, encore que le premier, républicain de la veille (on s'en aperçoit dans ses sonnets contre Louis-Philippe), ait occupé des fonctions publiques en 1848. Je ne crois pas me tromper en disant qu'il fut du comité de l'Hôtel de Ville. Il avait été, en tous cas, spécia- lement chargé de la distribution des bons de pain aux ouvriers sans travail. La brouille vint tout simplement de ce que Boullieux vendait au rabais (ce qui motivait l'inscription dont parle M. Galle (1) les livres frais éclos de chez les Garnier. De (1) Mentionnons cette autre inscription aux vitres de sa boutique de la place Louis XVI, après une tentative de vol : « AVIS A MES- SIEURS LES VOLEURS : La porte de l'allée est condamnée. »