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UNE COLLECTION D'AUTOGRAPHES II9 Voilà donc toute une vie aussi bien dans le passé que dans le présent, et l'heureux possesseur de tant de merveilles a bien fait d'en fixer la mémoire, avant que d'en laisser dis- perser la matière à tous les vents. La science des autographes est bien d'origine française, nous l'avons prouvé. C'est en France aussi qu'elle a atteint son plus haut degré de développement. Personne n'ignore les noms de Charavay, Feuillet de Conches, Benjamin Fillon, Sensier, Chambry et tant d'autres vivants ou morts, pour ne parler que des nôtres. Si, vers la fin du dernier siècle, les amateurs anglais ont ouvert les enchères, c'est chez nous que les plus belles collections se sont constituées et le plus rapidement. Dès 1788 ont commencé à paraître des travaux relatifs aux autographes; puis les catalogues illustrés ou non, les ventes, les surenchères et, en fin de compte, la supériorité définitive à notre actif. Dans sa rapide esquisse, M. Charavay nous parle tour à tour de l'importance des documents, de leur destruction, des fraudes et des falsifications dans cette branche nouvelle du commerce de la curiosité. Entre les escrocs de la partie, il y a des degrés, depuis le petit filou méprisable, comme disait Diderot, jusqu'au grand voleur qui n'est pas sans mé- rite, mais qui n'en arrive pas moins à son tour en police correctionnelle et sur la paille humide des prisons. Vrain- Lucas fut de ce nombre. S'il trompait les badauds avec des ordres du jour de Vercingétorix et des lettres de Marie- Magdeleine, il n'en imposa pas moins à M. Chasles, de l'Institut, en lui remettant des correspondances inédites de Newton et de Pascal; et ces lettres sont conservées à la Bibliothèque Nationale comme un modèle de ce genre de mystifications malhonnêtes.