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58 LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN qui aussi étiez loin de vos parents, vous devez comprendre combien a dû être cruel un si long tourment! Enfin nous avons reçu une lettre d'Auguste et elle nous a tranquillisés sur le sort de nos parents et des vôtres. Mais mon Dieu, jusques à quand verrons-nous de semblables scènes ! Far quelles voies Dieu nous tirera-t-il de là ! Votre lettre m'a beaucoup intéressé et je la relis avec attention, pour répondre à des choses qui m'ont vivement frappé ! Dans les éloges que vous faites de ce sublime ouvrage (6), je retrouve toutes les heureuses impressions que j'ai éprouvées en le voyant la dernière fois. Mais (gar- dons cela pour nous) sans savoir jusqu'à quel point sont, justes les reproches que vous lui faites sous les rap- ports du ton et de l'effet. Certaines choses m'avaient., étonné. Je trouvais qu'elles ne coïncidaient pas avec les leçons sublimes de l'atelier. Cependant j'espérais m'en aper- cevoir tout seul, j'avais voulu me faire illusion, et j'espérais qu'en reprenant ces choses, il les changerait; mais l'impres- sion que vous me dites que ça a produite sur l'atelier m'a vivement chagriné. Rien ne pouvait m'être plus sensible. Avec mon pauvre Paul, nous sommes restés consternés ! Cependant, après y avoir bien pensé, je demeure convaincu que les principes de M. Ingres sont réellement ceux avec lesquels il nous a élevés. S'il en est sorti, je crois qu'il faut l'attribuer à l'état violent où il est. Toujours critiqué depuis' 25 ans, il a voulu répondre à ses ennemis, et aura quel- quefois manqué de ce calme qui donne à une œuvre un (6)11 est ici question du Saint-Symphorien, le célèbre tableau de M. Ingres. {ld.)