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LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN 59 caractère de vérité et de conviction profonde (7). Oui, certainement, ce sont ses véritables pensées. Car voyez sa joie lorsqu'il les exprime ! Il répand son âme, pour ainsi dire; chaque parole exprime et touche (8). Oui, je crois que si en quelques points il n'a pas été conséquent avec lui-même, c'est parce que, poussé à un état violent par les amères cri- tiques de ses ennemis, il aura voulu y répondre, et aura peut-être dans cette disposition (si malheureuse pour faire de l'art) froissé son sentiment et son principe. — Mais je crois tout à fait suivre la même voie que M. Ingres, lorsque je proteste de mon amour pour cet admirable principe, que la nature est mère de toute beauté, de toute originalité et que nous devons la suivre comme des enfants soumis et pleins de confiance; c'est là tout notre symbole, je crois, et c'est d'après lui que je voudrais marcher. J'ai en ce moment un grand désir de travail, mais mal- heureusement je ne peux pas le satisfaire. Depuis plus de (7) Il est étrange que le SaintSymphorien, un des plus beaux ouvrages de M. Ingres, non seulement ait été au début l'objet des plus amères critiques, mais encore que les élèves de M. Ingres eux-mêmes l'aient jugé fort sévèrement. Avaient-ils été déroutés par cette fougue inattendue après les ouvrages empreints de la sérénité grecque, tels que l'Apothéose d'Homère? — Ils lui reprochaient surtout l'exagération, à la Michel-Ange, de la musculature des bourreaux ; et on l'expliquait en disant que, froissé des critiques qui lui reprochaient de n'oser s'attaquer à l'anatomie, il était tombé dans l'excès contraire, etc., etc. — Plût aux dieux que les élèves de M. Ingres eussent toujours peint eux- mêmes avec le pinceau de flamme du Sainl-Symphorien ! (Id.) (8) Cette chaleur communicative que M. Ingres mettait dans ses paroles était incroyable, au dire de tous ses élèves. Il parlait encore moins de la bouche que du geste, et «dessinait» ses idées plus encore qu'il ne les racontait. [Id-)