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l8 LE CENTENAIRE DE L'ASSEMBLEE DE VIZILLE l'Assemblée serait dissoute manu militari. Le projet de Mounier fut adopté avec quelques modifications. Les 340 membres signèrent et on se sépara aux premiers rayons du matin. De cette longue délibération sortirent deux manifestes : i° Une protestation contre les édits de mai et contre leur enregistrement forcé ; 2° une représentation au roi lui-même. Qu'on lise avec attention ces deux documents. On y verra que le premier est relatif à la convocation des Etats géné- raux et des États particuliers de la province, à la double représentation du Tiers-Etat, au remplacement de la corvée par une contribution également répartie sur les trois-ordres, enfin au rappel du Parlement et des consuls de Grenoble. Le second document, l'adresse au roi, est conçu dans les termes les plus respectueux et les plus modérés; elle insiste surtout sur la restauration des États provinciaux du Dauphiné. L'un et l'autre appuient les revendications des Ordres sur les coutumes de la province et sur la capitulation de 1349, lors de la réunion du Dauphiné à la France. Ce n'est pas un traité de philosophie sociale, c'est le tableau d'une constitution qui a vécu et qu'on veut rétablir. Pour me servir de termes de l'école, l'Assemblée de Vizille ne fait pas de l'abstrait, comme en fera bientôt l'Assemblée cons- tituante ; elle ne fait que du concret. C'est une direction d'idées toute différente. Ce n'est pas qu'au milieu d'un langage digne et modéré, il n'y ait ça et là quelques traces de déclamation. Mais ce tribut payé au goût du temps, n'est qu'un accident, un accessoire: ce n'est pas la note dominante de la protesta- tion.