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MA CLAUDET 209 qui, de là , semblent flanquer la ville comme d'énormes citadelles. L'œuvre en train et le modèle faisaient face à la lumière, côte à côte, tous deux de même dimension et de même aspect. C'était frappant : la vieille paysanne, un type superbe, au teint hâlé, avait les tons gris-fer uniformes de la terre modelée ; celle-là paraissait vivante par la vérité de la pose et l'énergie des traits. Alors, le front de l'artiste rede- vint sérieux. Il reprit l'ébauchoir et, tout en causant de nos amis com- muns, il se remit au travail, retouchant un pli du vêtement, accentuant une ride des bras ou du visage, bouchant une fente produite par la dessication. Puis il s'arrêta de nouveau pour me montrer ses œuvres ; sa tâche du jour était ache- vée; il fallait laisser sécher encore. Tandis qu'il me précédait, la vieille femme descendait de son piédestal, après deux heures d'immobilité ; elle s'ap- procha de son image et, se grattant la tète avec une aiguille à bas, elle murmura d'un air consterné : — Comme il me fait laide !... Le musée, protégé contre les envahissements de la basse- cour, par une simple barrière à claire-voie, était imprégné des parfums du dehors. Point de ces froides compositions qui emplissent d'ordinaire les ateliers des jeunes sculpteurs. Dans cette étroite enceinte, tout vivait, tout souriait. C'était le Vendangeur assis, Hoche enfant, Jeanne d'Arc au bûcher, un projet pour le monument de Denfert, des bustes de jeunes Italiennes d'une exquise pureté, celui de Mme Max Claudet, plein de grâce et de distinction, celui du statuaire Perraud, par son élève, et celui de Claudet par son maître, puis des types comtois d'une rare originalité, flâneurs de petite ville, sacristain et bedeau campagnards, charges de juges et d'avo- cats; des plats de terre cuite en relief, peints et vernis, imitant la faïence et bravant les ardeurs du feu grâce à un 14