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LA PIERRE A ÈCUELLE 39 1865, lors de la construction du pont d'Andrézieux pour le chemin de fer de Saint-Etienne à Clermont, éclatée au moyen de la mine par un Piémontais du nom de Rubiani, qui la fit servir à la maçonnerie de l'une des piles ; cet en- trepreneur persista à l'employer, malgré les protestations des gens du pays qui l'avaient, de toute ancienneté, connue sous le nom de Lit de Saint-Martin. La première pensée qui venait à celui qui voyait cette pierre creusée, était qu'elle pouvait avoir été un tombeau ; presque tous les bergers d'alentour s'y étaient étendus pour s'y reposer, fiers d'y dormir après le saint dont elle rappe- lait le nom. Mais cette pierre était-elle un tombeau? Non, assurément ; les premiers Celtes ensevelissaient sous des amoncellements de terre ou de pierres, sous des tumuli, ou, le plus ordinairement, brûlaient les corps (1) ; aussi a-t-on trouvé récemment, tout près de là , un vase entier, de forme cylindrique, engagé dans une veine de terre végétale et abrité par un fort avancement de roches : les carriers l'ont brisé, n'y ayant, au lieu de trésor, trouvé que des cendres mêlées d'humus. Saint Martin lui-même n'a pu y être enseveli, puisque Grégoire de Tours nous apprend (2), dans son histoire, que le saint mourut en l'an 397, à Candes, bourg de son diocèse, où son corps fut enlevé par ceux de Tours qui le transportèrent dans leur basilique. Il devient dès lors évident que ce monument, comme notre pierre à écuelle, se rapporte à un usage celtique du (1) La meilleure preuve de l'usage de brûler les corps en ce temps, c'est que les débris humains sont d'une rareté excessive à cette époque malgré les conditions de conservation où il aurait pu s'en trouver beaucoup. (2) Trad. de Guizot, I-40.