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                      CHRONIQUE LOCALE.


    La parole est au canon. S'il ne la prend pas encore, du moins on la lui
donne; on écoute et on attend.
    La campagne est cependant resplendissante; tout est vert, feuille,
touffus; tout s'épanouit, bourgeonne, éclate; les petits oiseaux sont sur
leurs nids, les buissons embaument, les orges fleurissent, les abricots se
nouent, les cailles rappellent, que de choses l'artillerie va gâter !
    Plus haut que la grande voix de la guerre a tinte, ces jours derniers, la
petite cloche de l'hôpital militaire convoquant la population aux funé-
railles de deux braves officiers morls victimes de leur zèle, de leur dévoû-
ment et de leur charité. Quelle joie au départ! quel élan, quelle ardeur
quand Estrade, Escarpe, Fashion, Nelly, Gobden, Javanaise sous les yeux
de cinquante mille spectateurs accourus à la fête donnée par l'armée en
faveur des petites filles des soldats, ont dévoré la piste, franchi la rivière,
sauté la muraille et ont abordé pèle-mèle la funeste banquette irlandaise
où les plus vaillants devaient périr. Quel effroi quand on a vu rouler
Nelly avec M. Riquet, Escarpe avec M. Moussy, la première tuée raide, le
 vicomte I.ejéas tomber et se relever péniblement avec une épaule luxée,
 tandis que son cheval Estrade courait, affolé et bride abattue, sur les
 traces de MM. de Moismont et de Beelienec, seuls échappés au désastre,
 enfin M. de Belfortès, aussi démonté, se traînant à grand-peine et emmené
 à force de bias vers une voiture; quelle consternation dans l'immense
 fou!e quand on a emporté hors de l'enceinte M.,Moussy déjà expiré, et
 M. Riquet si cruellement blessé qu'il a succombe deux jours après ! Que!
 deuil quand la ville entière a vu défiler lès convois funèbres de ces deux
 officiers qu'ont voulu accompagner, avec l'armée et la population, nos
 autorités civiles et militaires, dernier et lugubre hommage à ces nobles
 victimes tombées sur le champ de bataille de la bienfaisance.
    Qu'on n'accuse pas notre siècle d'ingratitude, les cœurs parlent aussi
 haut aujourd'hui qu'à quelle époque que ce soit de notre histoire; notre
 ville l'a montré en prenant une part si vive à la douleur des familles frap :
  pécs. Tout autre intérêt avait pâli devant le funèbre accident du 6 mai.
   — Une fête plus paisible et moins dangereuse se prépare au Palais-des-
arts; à cette grande exposition de fleurs, de légumes et de fruits que le
printemps nous ramène, nul accident n'est à craindre et tout, au plus
pourra-t-on y voir, comme chaque année, quelques amours propres
froissés.
   — A propos de fêtes, on n'en fera pas, le 14, à l'inauguration du che-
min de fer de Lyon à Tarare. Cela se passera entre soi. On ouvrira les
wagons et tout sera dit.
   —; C'est aussi un peu en famille et entre soi qu'a eu lieu le festival de
Georges Hainl. Notre ancien chef d'orchestre, dont les concerts annuels
avaient le piivilége d'attirer une foule si élégante et si nombreuse, avait
convoqué nos dilettanti un peu tard pour la saison. Les rossignols lui ont
fait une sérieuse concurrence et la salle du Grand-Théâtre a laissé entre-
voir quelques vides. Quant à l'exécution, elle a surpassé l'attente générale,
le morceau de l'Africaine a surtout été acclamé et c'est lui qui a eu les
honneurs de la soirée. L'Orchestre et la Fanfare Lyonnaise, ont soutenu
leur vieille et célèbre réputation. Mme Georges Hainl, dont le talent a