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136 HOMÈRE. distinction intellectuelle et morale il s'est élevé, c'est l'idée qu'il s'est formée de la divinité. Or, Homère est un témoin fidèle des croyances de son temps; il nous apprend ce qu'é- taitla religion du peuple grec dans sa vive et brillante jeunesse. C'est une erreur trop répandue de considérer le paganisme hellénique comme un corps de doctrines ou de fables qui, une fois constitué, n'a plus varié. Le temps et le progrès des esprits lui ont fait subir de nombreuses transformations Jus- qn'au jour où il s'est absorbé dans le paganisme romain comme la Grèce elle-même,devenue une province,dans l'em- pire desïils de Romulus. La mythologie quenous peint Homère a cela de particulièrement curieux et intéressant qu'elle pfiraît être une cris€ de la religion hellénique. On ne peut infirmer le témoignage du poète, ni traiter légèrement les données mythologiques qui abondent, dans ses chants , car les siècles suivants les ont prises fort au sérieux. Les dieux ont vécu longtemps dans l'imagination des Grecs tels qu'Homère les avait représentés, sous la figure et avec Jes trails caracté- ristiques, qu'il leur avait donnés; et il est resté ainsi pen- dant de longs siècles comme le théologien de la Grèce. Par Ta s'explique l'influence capitale qu'il a exercée sur les arts, sur la sculpture notamment, qui pour figurer aux yeux les divinités que réclamaient les autels a cherché , Phidias l'avouait expressément, ses modèles dans Homère. Et toutefois , il est évident que ces mythes brillants sont souvent une déviation, une altération des croyances anté- rieures , qu'on entrevoit encore sous le voile dont le poète les a couvertes, ou plutôt, l'image sera plus juste, h-tra- vers les contre-sens de la traduction. Bien souvent, il sem- ble ne point comprendre le sens profond des traditions qu'il raconte ; il n'y voit qu'une matière à récits ingénieux, comme un poète profane qui joue avec des légendes sa- crées. De la, a côté de tant de belles paroles où respirent la