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56                  LA BELLE REGAILLETTE.

Trois Soleils !... Et encore aujourd'hui, quand le peuple
marseillais veut parler d'une belle personne, il dit : « es bello
counio un souleare !
   C'est-à-dire : elle est belle comme un soleil !
   La maison, où ces trois soleils, à l'imitation de celui de
Plolémée , se levaient et se couchaient matin et soir , existait
encore avant les embellissements et les travaux du port. Â l'un
de mes premiers voyages à Marseille, on me l'avait montrée.
J'en conservais le souvenir, et l'année dernière j'espérais la
retrouver où je l'avais vue une première fois; mais, hélas ! la
spéculation avait passé par là avec l'expropriation et ses ma-
çons; toute l'armée des embellisseurs et des démolisseurs de
ces temps-ci. Plus de maisons, partant plus de souvenirs !...
Je me trompe: à Marseille, la beauté, la modestie et les grâ-
ces ne s'oublient pas plus que la bouillabaisse.
    Mais ces souvenirs, disons mieux, ces perles qui composent
la chaste couronne des femmes de Marseille, il me serait im-
possible de les recueillir toutes ; je mettrai seulement en
 Å“uvre , avec le soin d'un habile lapidaire , une de ces perles
 les plus pures :
    La jeune et belle Regailietle.


                               il.

     Cette chronique galante remonte à l'année 1660, lors d'un
 voyage que Louis XIV fit à Marseille...,
     Avant tout, je dois vous initier à la cause politique de ce
  voyage.
     A la suite de quelques émeutes qui avaient eu lieu à Mar-
  seille, à l'occasion de l'élection des Consuls, et où les Mar-
  seillais, jaloux de leurs antiques prérogatives municipales ,
  avaient quelque peu mal mené les troupes royales, un Con-
" seil avait eu lieu à Saint-Germain ; Mazarin en était l'âme ,