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318 SAINT MAURICE ET LA LÉGION THÉBÉENNE. les soldats amenés pour l'exécution ; toute pitié s'évanouit chez eux, et une soif irrésistible de sang s'allume dans leurs veines. Leurs yeux se troublent, le délire les emporte, et ils éprouvent l'affreux besoin de se ruer à cette épouvan- table tuerie. Fureur mystérieuse et fatale que le spectacle du carnage engendre, hélas ! chez tous les hommes ! Les voila donc se mêlant aux Pannoniens et leur dispu- tant les victimes, qui ne sont plus assez nombreuses pour leur rage infernale. Il grouillent par milliers dans Ja pelouse sanglante, et l'on entend d'horribles imprécations se mêler au bruit du fer. Ceux qui arrivent trop tard pour tuer un vivant, s'acharnent après les morts et les mutilent ; c'est à qui déploiera le plus de férocité. En quelques instants l'effroyable sacrifice fut consommé, et pas un des Thébéens ne survivait avant qu'il fût midi ; cinq mille cadavres tronqués et mutilés dans tous les sens jonchaient la colline, et de larges rigoles de sang découlaient partout vers le Rhône, comme le vin coule du pressoir en automne. La vengeance de Maximien Hercule était satisfaite. L'armée romaine , si scrupuleuse d'ordinaire dans les honneurs funéraires qu'elle rendait à ses morts, ne daigna pas même accorder la sépulture à ces héros. Par la volonté de l'Empereur, leurs corps mutilés furent abandonnés aux oiseaux de proie comme d'infâmes dépouilles , et livrés aux flots torrentueux du Rhône qui les entraînèrent jusqu'au Léman. Mais, la nuit venue, et pendant celles qui la suivi- rent, des mains pieuses, celles des chrétiens d'alentour, vin- rent silencieusement et clandestinement recueillir la plus grande partie de ces restes sacrés. C'est grâce à elles que plu- sieurs villes possèdent maintenant des reliques de ces bien- heureux. Ces reliques ont enrichi beaucoup d'églises d'occi- dent , et la métropole viennoise se glorifie d'avoir eu en