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LES DEUX PLATS D'ÉPINARDS. 409 l'étendue de leurs œuvres au temps que nous consentons à accorder à leur lecture. La nouvelle se présente donc natu- rellement à eux comme la production la plus favorable à leurs succès, el de là vient qu'elle foisonne parmi les livres du jour. Puis, il faut bien le dire, si cette production est la plus goûtée, elle est aussi la plus facile â composer, non qu'une telle œuvre ne puisse comporter et faire briller un mérite réel, mais aussi elle supporte mieux la médiocrité. Moins compliquée que le roman, moins lente a se dénouer, moins appesantie de longueurs, elle amuse l'esprit sans fati- guer l'attention; son auteur n'ayant à y développer le carac- tère des personnages que par le côté qui louche à l'événe- ment raconté, il lui est plus aisé de le soutenir jusqu'à la fin; il a moins de pages à remplir, moins d'esprit à dépen- ser, moins de chances pour s'épuiser, et je comprends fort bien comment tant d'écrivains s'occupent à en composer, el combien tant de personnes s'amusent à les lire. Paul Rives revint donc à Lausanne, passionne' pour ce genre de composition, cherchant partout des sujets à traiter, et nulle part des clients à défendre; car, bien qu'il eût été reçu avocat, la seule cause qu'il plaida avec chaleur fui contre son père, afin d'en obtenir l'autorisation d'entrer fa- cilement dans une carrière littéraire el d'abandonner sans retour celle du barreau. Le père résista longtemps, mais comme il était riche, et que Paul était son fils unique, il finît par consentir à ce qu'il consacrât son temps y consoler la veuve et l'orphelin par ses écrits au lieu de les proléger par son éloquence. Voilà donc Paul Rives en quête de sujets pour ses nou- velles, les demandant au théâtre de sa vie habituelle et aux pé- ripéties de celle de ses amis, les suivant dans leurs entre- prises matrimoniales, dans les phases diverses de leurs