Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                           HOMÈRE.                           i23

en un miroir ! Non seulement Homère les encadre dans son
récit lorsque le sujet les amène ; mais au milieu des scènes
les plus terribles, comme pour nous émouvoir davantage par
le contraste, une multitude de comparaisons, dont chacune
est un tableau achevé, viennent nous donner le sentiment le
plus vif et en même temps le plus varié de la vie champêtre
et de toutes les merveilles dont la main de Dieu a couronné
l'univers. Ainsi à l'arrière plan des plus affreux combats il
y a toujours un paysage, et un paysage charmant. Il est vrai
qu'une admiration banale et des imitations maladroites ont
souvent défloré ces exquises peintures ; mais c'est une rai- '
son de plus pour revenir a l'original lui-même, et pour en
retrouver l'impression naïve. Les fleurs fabrique'es artificiel-
lement ne nous dégoûtent pas de celles que chaque printemps.
ramène dans nos prairies ; elles nous les font aimer davan-
tage. Or, rien ne donne une idée plus juste d'Homère qu'une
rive émailiée de fleurs qui borde un grand fleuve impétueux
et profond. Et si l'on nous permet de continuer cette image,
nous ajouterons que pour avoir cueilli et habilement groupé
quelques unes de ces fleurs, Fénelon a fait de son Télêmaque
le livre le plus aimable et le plus populaire de notre littéra-
ture.
   Quiconque a une teinture des lettres antiques conserve,
même à son insu, mille souvenirs d'Homère, car l'antiquité
en est pleine ; et même les moins lettrés d'entre nous ne
sont tout à fait étrangers ni à ses brillantes fictions, ni à ses
dieux, ni a ses héros. Montaigne disait, il y a trois cents ans,
« que rien ne vivait dans la bouche des hommes comme les
ouvrages d'Homère. » Cela n'a point cessé d'être vrai. Si on
lit moins Homère aujourd'hui qu'au XVIesiècle, lelélémaque
nous en donne à tous, dès l'enfance, une très-vive et très-
durable impression , qu'entretiennent ensuite beaucoup de
nos lectures ; car plus d'un de nos poètes, ou même de nos