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         LES DROITS DU FUMEUR
     La naïveté des fumeurs à l'endroit de leur déplorable ha-
 bitude est vraiment quelque chose de phénoménal. Il sem-
 ble que l'usage de la nicotine ait atrophié leur intelli-
 gence. Vous les entendez déraisonner le plus étrangement
 du monde sur les droits du fumeur. Ils n'admettent pas de
 tempérament. L'emploi du tabac étant, suivant eux, sans
 aucun inconvénient, el au contraire fort hygiénique, on doit
 pouvoir fumer partout, et ils ne s'en privent nulle part. Quand
 ils ne fument pas où cela est formellement défendu, c'est pure
 concession de leur part. Il est vrai qu'ils font rarement cetlo
 concession, el qu'en dépit des règlements, ils ne se gênent
 pas pour fumer dans tous les wagons des chemins de fer. Si,
vous*armant du droit écrit, vous faites quelques observations,
vous êles toujours fort mal reçu. « Vos paroles sont inconve-
nantes; ou bien vous devriez être plus poli, etc., etc. » On
dirait en vérité que c'est le non-fumeur qui a besoin d'ex-
cuse. Quant à ces messieurs, ils sont dans leur droit: s'ils
consentent à ne pas fumer devant vous, c'est par condescen-
dance pour votre pauvre organisation. La liberté du tabac
est au-dessus de tout; et je ne doute pas qu'elle ne figure
bientôt au nombre des autres libertés absolues qu'a inventées
M. Emile de Girardin.
    Quelques rares îumeurs, encore novices, consentent bien,
s'il se trouve une femme dans le wagon, à lui demander la
permission de fumer: mais ils le font dans de tels termes,
qu'ils sont bien assurés de n'être pas refusés. Ainsi, par
exemple, après avoir tiré tout leur attirail, bourré leur pipe, ou
même déjà allumé leur cigare, ils se pencheront vers celte da-
me, en lui disant: « La fumée de tabac ne vous fait pas mal? »
À quoi cette pauvre femme, placée au milieu de plusieurs
hommes dont elle a à craindre les grossièretés, si elle leur dé-
plaise croit obligé de répondre non. Mais donnez donc du cou-
rage au sexe faible quand le sexe fort en manque si souvent ! Il
va sans dire que quand il n'y a que des hommes dans le wagon,
on ne songe pas même à demander si la fumée du tabac in •
commode quelqu'un. La porlière du wagon fermée, tous les
fumeurs se mettent en action, chacun de son côté; on dirait
une de ces salles à compartiments où les pam res Chinois vien-
nent perdre leur raison dans les vapeurs de l'opium. Four les
uns comme pour les autres le résultat est le même; mais il
est moins prompt chez les fumeurs de tabac.
    A propos de quoi cette sortie, direz-vous peut-être? A pro-
pos d'un passage du livre que M. Henri Herz vient de pu-