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                      CHRONIQUE LOCALE.

    Le Livre Bleu a poussé un cri d'alarme qui a retenti dans tous les esprits.
J'étais à humer tout doucement la part d'encens qui m'est dévolue en ma
qualilé démembre delà nation la plus spirituelle de l'univers, encens
fourbi, je crois, par les autres peuples de la terre, je n'ai pas approfondi
le fait, lorsque ce cri strident est venu déchirer mes oreilles : « Le niveau
littéraire et artistique en France a baissé ! »
   J'ai bondi d'inquiétude et d'effroi : Eh quoi i la terre ralentit son mou-
vement, les taches du soleil augmentent, les saisons sont déplacées, nos
rues sont pleines de violettes, un soleil de mai resplendit en plein janvier,
la taille de nos soldats diminue, des savants ont entendu chanter des pois-
sons, et voilà, chose pire, que le niveau de notre esprit baisse! Mais
alors, y aurait-il _que!que chose de dérangé dans l'organisation univer-
selle ? qu'on me le dise, il faut qu'on raccommode au plus vite les rouages
défectueux; que fait donc le Gouvernement ?
   « Je m'en doutais un peu » dit le Mémorial de la Loire du 5 février !
— Comment lui aussi est du complot? Mais à qui se fier? un si honnête
journal ! — heureusement que les Débats me rassurent : « On peut, disent-
ils, se demander d'abord, quand le Livre Bleu parle du niveau artistique
et littéraire ce qu'il entend par là et, s'il est compétent pour prononcer ? »
— A la bonne heure. « Les règles du goût sont-elles écrites quelque part,
et existe-t-il un code quelconque comprenant les lois positives de l'art et
de la littérature comme le Code Napoléon comprend toutes nos lois ci-
viles? » — Braves Débats. D'un autre côté, M me Georges Sand m'assure
que nous marchons vers un progrès indéfini et qu'il y a loin de la mu-
sique de chaudrons qui amusait l'enfance de Jupiter aux doux accents
des orgues qui soupirent dans nos églises j cette observation est juste et
je ne vois rien à y répondre.
   Le compte de la musique réglé, et le Livre Bleu ayant complètement
tort de ce côté, voyons les autres arts.
   En architecture, il a peut-être raison. Nous l'avouons, les Grecs, les Ro-
mains, le moyen âge bâtissaient avec une certaine élég'ance et sans doute
aurions-nous de la peine à refaire le Parthénon, Saint-Pierre de Rome ou
Notre-Dame de Reiras. Mais en peinture! Les Grecs et les Romains, les
Carthaginois et les Egyptiens, les Indiens et les Perses recevraient certai-
nement nos leçons, surtout de nos coloristes, dont les procédés sont supé-
rieurs à ceux de l'antiquité.
  En sculpture, cela se balance; peut-être les anciens l'emportent-ils. À
discuter.
   Reste la littérature ; ici, livrons bataille.