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                            AU XIIe SIÈCLE                   437

protecteur que leur ennemi, moins leur défenseur que leur
spoliateur, moins leur tuteur que leur tyran.
   Il faut tenir compte de cet antagonisme mutuel dans l'étude
de nos privilèges, alors seulement on comprendra des dis-
positions qui sans cela paraîtraient élranges. Ainsi le bourgeois
de Villefranche ne pouvait £tre tenu de faire saisir un
domestique qui l'aurait volé, quand bien même le voleur
aurait été pris en flagrant délit (1). Cependant la punition
du voleur importe à la société entière, à cela le bourgeois
répond : je suis maître chez moi et je fais la justice moi-
môme.
   A ce sentiment exagéré d'indépendance personnelle, à cet
esprit de souveraineté absolue, chez soi, se rattache l'article
célèbre qni a soulevé tant d'indignations et donné lieu à tant
de fausses interprétations. « Si un bourgeois a frappé sa
« femme, le seigneur ne devra accueillir aucune plainte à
« raison de ce fait, ni percevoir aucune amende, à moins
« que mort ne s'en soit suivie (2). » Ce qu'il y a de barbare
dans cette disposition ne doit pas être pris au pied de la
lettre. Les bourgeois de Villefranche n'étaient ni plus ni
moins hrutaux que leurs contemporains. Ce qu'on a voulu,
c'est éloigner les officiers du sire du toit domestique, leur
Oter tout prétexte à s'immiscer dans les querelles conjugales,
ce dont ils abusaient. Tel est le sens de cette clause que des
traducteurs maladroits ont rendu delà sorte: « Il était permis
« aux maris de battre leurs femmes jusqu'à la mort exclusi-
« vement, sans que le seigneur pût les en punir (3). » D'autres
sont venus qui ont répété. « Celle ville (Villefranche) fut fon-
« dée par Humbert IV, sire de Beaujeu, qui, pour y attirer
« des habitants, accorda,entre autres privilèges,aux maris la

  (1) Ch. de 1331 art. 16.
  (2) Ch. de 1260 art. 64.
  (3) Brisson. Mémoires historiques et économiques, p. 28.