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340                       DE L'INFINI.

 la durée. Comment ne pas voir qu'avec l'abstrait on ne com-
 pose pas le concret, et que les infiniments petits étant des
 abstractions, ne sauraient, par leur suite imaginaire, consti-
 tuer les phénomènes de mouvement et de durée qui appar-
 tiennent à la nature concrète? Je sais bien que les géomètres
 considèrent l'analyse infinitésimale comme l'expression « du
 mode de génération des grandeurs physiques qui croissent
 par éléments plus petits que toute grandeur finie. » Mais,
 ceci ne doit s'entendre, si je ne me trompe, que d'un moyen
 d'étudier, par exemple, dans une courbe idéale d'une cons-
truction géométrique régulière, la loi de relation de deux
points continus, loi constante sur tout le développement de
la courbe, loi dont la formule algébrique peut être trouvée, et
qui est telle qu'une fois qu'on tient la loi on peut synthéti-
quement tracer la courbe, de même que de la courbe donnée
on peut analytiquement déduire sa loi. Si l'on veut appeler
cela mode de génération de la courbe, on le peut sans renon-
cer a la propriété du langage; mais, il faut s'empresser de
prévenir, de peur de donner naissance a des idées fausses,
qu'il s'agit simplement de la relation mathématique qui unit
entre eux tous les points de la courbe. C'est là de la géomé-
trie pure et simple ; il ne faut pas s'imaginer pour cela que
les voiles de la création soient levés et qu'il n'y ait qu'a ma-
nier un élément de calcul pour découvrir comment l'Auteur
suprême des choses s'y est pris afin de produire un cironou
un soleil.
   N'abusons pas des mathématiques en philosophie. Les ma •
thématiques sont une science de la grandeur ou de la quan-
tité, et c'est pour cela que leurs principes n'ont plus d'usage
transportés dans la spéculation philosophique, où la gran-
deur et la quantité n'ont plus d'empire. 11 ne faut donc pas
se laisser séduire par l'air de vérité générale qu'elles ont et
imaginer qu'elles peuvent donner la clé de tout. C'est évi-