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DE L'INFINI. 333
d'un bond l'abîme; partie du fini qui n'est que le point d'ap-
pui, son ressort est posé , c'est vers l'infini qu'elle s'élance
et qu'elle s'élance pour y aboutir; elle le trouve (1), elle
l'atteint (2), elle le saisit (3), elle l'appréhende non comme
une abstraction, mais comme <• réellement existant (4) ; » et
on conçoit que l'infini n'étant qu'une face ou un attribut de
Dieu, c'est quelque chose de Dieu qui tomberait ainsi sous
les prises directes de l'âme. Remarquez surtout ceci qui dé-
passerait toutes les extrémités connues de la découverte
philosophique : l'induction serait un procédé qui nous ferait
pénétrer le jeu des causes, qui déchirerait les voiles dont se
couvre le mystère de la création, car, de même que l'élé-
ment infinitésimal en géométrie est la loi de génération des
grandeurs physiques qui croissent par éléments plus petits
que toute grandeur donnée (5), de même l'élément infinité-
simal que l'induction irait atteindre dans l'immensité et l'é-
ternité , attributs infinis de Dieu, nous livrerait le secret
de la génération de l'espace, du temps, du mouvement,
des choses finies. Le P. Gratry précise particulièrement
pour le mouvement cette étonnante assertion : « le procédé
« infinitésimal, dit-il, atteint le fond et le principe d'un pbé-
« nomène concret, réel, actuel, savoir : le mouvement (6). »
Le lecteur ne partage-t-il pas nos impressions ? Ne pense-
t-il pas comme nous qu'il y a du vertige sacré dans toute
cette théorie ?
Que l'âme tende vers Dieu, comme elle se sent attirée vers
la vertu, vers la beauté, vers la science, vers toutes les per-
(1) Gratry, ibid., p. 191.
(2) P. 147.
(3) P. 158.
(4) P. 168.
(5) Gratry, ibid., p, 90, 128.
(6) Gratry, p. 125.