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SPÉRWO. 311 — Mon cher Spérino, j'espère beaucoup que vous vous rétablirez bientôt sous l'influence de la saison nouvelle plus favorable que l'hiver à la guéri- son de vos maux, aussi je ne veux point aujourd'hui accepter cette pipe que vous m'offrez de si bon cœur, mais, si vous veniez à mourir avant moi, je serais charmé de la tenir de vous et d'y rattacher la mémoire d'un brave militaire ; non seulement je viendrai m'en servir en ce lieu où je vous trouvai, mais je la suspendrai à une place très-visible de mon cabinet où souvent, soyez en certain, elle attirera mes regards et me fera penser à vous. — Que vos paroles me font de bien, Monsieur, et dans ma vieillesse souffrante, si triste, si oubliée de tous, que je vous sais gré de me compter pour quelque chose et de croire à ma reconnaissance. Et comme je me préparais à le quitter vraiment attendri par Vaspeet et les paroles de ce vieillard si sensible à mes témoignages de sympathie : •— Monsieur, me dit-il, une chose me peine et m'attriste, car je crains de ne plus pouvoir revenir ici ; aujourd'hui même, j'ai eu bien du mal pour y arriver, ainsi je perds l'espoir de vous voir encore. — Oh! que non, mon brave Spérino, je connais la demeure de P et si je ne vous rencontre pas en ce lieu, j'irai vous faire ma visite. — Quel plaisir vous me ferez, Monsieur. — C'est à moi-même que j'en procurerai et puissé-jc vous trouver mieux qu'aujourd'hui ! Nous remontâmes ensemble le sentier et je vis trop bien à quel point il s'était affaibli, car non seulement nous marchions lentement, mais souvent je le soutins alors que ses jambes se dérobaient sous lui et avaient peine à le supporter. Je lui serrai affectueusement la main et nous nous séparâmes. Les jours suivants, la pluie m'interdit toute promenade et au premier beau soleil je m'acheminai pour revoir Spérino à ' qui je commençais à m'intéresser fortement. Mais je ne le trouvai point au lieu de nos réunions, et c'est avec un pénible pressentiment que je pris le chemin de la ferme où il avait été accueilli. Sur le point d'y arriver, je rencontrai son propriétaire P auquel je m'empressai de demander des nouvelles de Spérino. — Khi le brave homme est bien malade, Monsieur, il ne se lève plus, depuis qu'il a été chez le curé faire tous sesdevoirs religieux et se préparer au grand voyage. — Combien je vous sais gré, Monsieur, lui dis-je, des soins que vous avez de ce digne vieillard et de l'asile gratuit qu'il a trouvé chez vous. — Mais je ne l'ai jamais regardé comme m'étant à charge, et il gagnait certes bien le pain que je lui ai donné et qu'il ne mangera bientôt plus. — Comment cela ? — Spérino nous aidait dans tous nos travaux, autant que le lui per- mettaient ses forces ; cet hiver, il a taillé le chanvre, cassé les noix avec nous, il nous amusait par ses récits; il jouait aux cartes avec ma femme et nous rendait mille petits services qui l'ont fait chérir de toute ma famille; sans compter qu'il était très-religieux et faisait souvent la prière du soir.