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INCURSIONS DES ROUTIERS. 293
Que fait avons assez pour nos âmes dampner ;
Quand nous arons tout fait, si nous faut il flner
Nous porrions bien de vrai en nous considérer
Pour moi le di, Seigneur (1) ; je le sai bien au cler,
Je ne fis oncques bien, dont-il me doit peser ••
Je n'ai fait fors que mal, gent occire et tuer ;
Et se j'ai fait des mauk bien vous poez compter
D'estremes compaignous, encores dépasser,
D'avoir fait pis de moi bien vos poez vanter. »
« Seigneur, ce dit Bertran, savez que nous ferons
Faisons à Dieu honneur et le Deable laissons.
A la vie visons comment usé l'avons ;
Efforcées les dames et arses les maisons,
Hommes, enfans occis et tous mis à rançons ;
Comment mangié avons vaches buefs et moutons ;
Comment pillié avons oies, poucins, chappons
Et béu les bons vins, fait les occisions,
v
Les Églises violées et les religions (2).
Nous avons fait trop pis que ne font les larrons (3). »
Les compagnies acceptèrent avec empressement la propo-
sition d'aller faire la guerre en Espagne, sous un chef aussi
illustre que Du Guesclin, Ã Pierre-le-Cruel, roi de Castille ;
Du Guesclin était aussi pillard qu'un chef de Routiers, et
cette considération devait être d'une grande valeur aux yeux
des compagnies. Vingt-cinq de leurs capitaines se rendirent a
Paris, auprès du roi de France, qui leur pardonna le passé et
leur fil délivrer des lettres de change, payables à Lyon, pour
la somme de deux cent mille florins qui leur avaient été
promis. Du Guesclin donna rendez-vous aux compagnies,
dans celte ville où elles se réunirent avec un grand nombre
(1) Bertrand Du Guesclin s'adresse à Hugues de Calverley, l'un des prin-
cipaux chefs des compagnies.
(2) Les couvents. *
(3) Chronique de Bertrand Du Guesclin , par Ouvelier. trouvère du
XIVe siècle, publiée par M. Charrière.