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QUELQUES PROPOS AU SUJET DE I/EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE LYON. — 1863. La nature renferme dans son sein la vérité absolue que l'humanité cherche dans l'ordre scientifique et dans l'ordre artistique. Un des côtés distinctifs de la science, c'est la transmissibilité qui permet le progrès 5 telle hypothèse de rêveur, tel fait de laboratoire, mûris lentement à travers les générations, s'épanouissent un beau jour dans les vastes applications de la pratique et de l'industrie. Dans les arts, les choses se passent autrement. Le côté technique, quel- ques données générales peuvent être objets d'enseignement et susceptibles jusqu'à un certain point de transmission ; mais le véritable artiste est un être isolé qui emporte avec lui sa somme d'individualité, capital pour lequel il n'existe ni héritiers ni ayant-droit. On conçoit donc que certaines époques aient été plus riches en tempé- raments forts, en organisations créatrices, et il est hors de propos de con- sidérer d'un œil mélancolique la question d'une décadence relative, surtout en un temps où se manifestent évidemment des tendances sincères vers la recherche du vrai. Beaucoup de formules ont été faites, beaucoup de définitions essayées ; l'esprit de système et d'exclusion en est arrivé, sous prétexte d'élucider la question, à des contradictions du genre de celle-ci : La peinture est la représentation du monde invisible. Lapeinture est lareprésentation du monde visible et tangible. Si l'on essayait de s'entendre, il ne serait pourtant pas impossible de concilier deux propositions si disparates. Si, par monde invisible, on a voulu dire l'idéal, nous conviendrons qu'en effet l'idéal absolu est invisible ; mais nous ajouterons que la nature le con- tient et que la puissante synthèse qui peut l'en tirer, ne saurait le mani- fester sans les signes qui sont propres au langage des arts plastiques.