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120 NOTICE SUR J.-B. DUMAS. sière rendue aux éléments ne semble-t'elle pas indiquer que les petites choses de nous ne sont destinées qu'à se perdre ? Rapportons seulement que, quelque temps avant sa mort, Dumas, sortant d'une église où il était allé s'agenouiller en dehors de l'heure ordinaire des offices, fut rencontré par un de ses confrères de l'Académie : « Je suis bien aise, Dumas, lui dit celui-ci, de voir que vous pratiquez » — « Je m'essaie , » répondit en souriant l'Académicien. Pour lui, essayer était toujours réussir; mais le mot où il ne se refusait pas le plaisir d'une répartie originale, donnait trop de fraîche date aux diligences d'une foi qui mérite de passer pour plus vieille quand elle s'enracine dans les constantes habitudes de la vie d'un homme d'honneur et de bien. Une seule fois encore, Dumas avait repris la plume. C'était pour dédier a sa seconde fille son volume de fables. Il fit, dans ce but, une pièce de vers simple et touchante. Le cœur meurtri se ranimait, la source harmonieuse se remit à couler ; la poésie qui avait tari sur les lèvres du père, lors de la perte de sa première fille, y revint aisément quand il voulut parler à la fille qui lui restait, comme si la poésie se chargeait de prouver que le silence du poète n'avait pu être une injustice. Après, la mort pouvait venir. Elle trouvait Dumas préparé. Il avait amassé sur elle dans ses lectures les textes les plus consolants. Près de son heure dernière, s'il a pu penser à autre chose qu'aux tendres objets de ses affeclions ou inter- rompre un instant le divin recueillement de sa conscience, j'imagine qu'il aura eu flottantes dans l'esprit quelques-unes de ces belles sentences qu'il se plaisait a extraire de ses livres : « Mors est dimidium vilœ. — La mort est aussi né- cessaire à notre constitution que le sommeil. Nous nous lèverons plus frais le lendemain. » Et il est entré dans la mort, avec le songe d'une bonne vie.