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                      CHRONIQUE LOCALE.

    — L'arrivée du maréchal Canrobert, les présentations, les revues, les
visites aux divers services de la place ont défrayé pendant quelques jours
les conversations. La tournure militaire du nouveau maréchal, sa bienveil-
lance pour les soldats, quelques anecdotes plus ou moins bien racontées par
les journaux, comme les congés accordé» à l'hôpital militaire, ou l'inspection
de Sathonay, ont mis toutes les sympathies de son côté et voilà les
Lyonnais disposés à faire bon ménage avec le brave général criméen.
    — L'hiver amènera-t-il des fêtes ? La classe ouvrière et le petit commerce
en auraient grand besoin; l'argent est rare, et il faut l'éclat des bougies,
l'harmonie de l'orchestre, la splendeur des salons, pour le faire coulera
pleins bords ; n'eussent-elles que ce mérite, les fêtes auraient leur bon côté,
et il ne faudrait pas trop les décourager. Daignez donc vous amuser, mes-
dames, pour les pauvres, s'il vous plaît.
    — Et nos théâtres ? Le Bossu a fait courir la foule. Les Bibelots du Diable
vont le remplacer et continueront les traditions de salle, pleine qui font la
fortune des Célestins ; mais Mme Miolhan-Carvalho s'en va ; chaste Margue-
rite, pure Lucie, nous n'aurons plus que peu d'occasions de vous applaudir,
et ensuite, il faudra vous regretter, car le Théâtre-Lyrique vous réclame et
les cieux de lapiovincene sont pas faits pour des astres comme vous. Du
moins, madame, vous ne direz pas que la barbare province vous a méconnue.
    — Nous sommes loin cependant de l'enthousiasme qui s'empare des
 méridionaux quand ils se mettent sérieusement à être épris de quelqu'un ou
de quelque chose.
    Les fêtes littéraires de Sainte-Anne ont été l'occasion, à Apt, de ces
 manifestations dont nous ne nous faisons aucune idée. Les séances du
 dernier congrès ont été, à Saint-Etienne et à Lyon, graves, dignes, affec-
 tueuses, pleines de cordialité, mais d'une cordialité allemande. C'était une
 fête de famille où n'ont paru ni les autorités, ni la plupart des écrivains
 qui se sont fait un nom dans l'histoire et l'archéologie du Lyonnais. A Apt,
 tout le monde est accouru, tout le monde s'est montré. Pas un poète qui
 n'ait donné sa poignée de main à Roumanille et à Mistral, pas une jeune fille
 qui n'ait accordé un sourire aux héros de la fête. Sur une estrade, monsei-
 gneur l'archevêque d'Avignon, M. le sous-préfet d'Apt, Mistral, Aubanel,
 Crousillat, Gaut, Legré, Mathieu, Roumanille présidaient la réunion des
 poètes et couronnaient les vainqueurs ; les sonnets s'échangeaient avec les
 ballades, les élégies avec les contes, les odes avec les chansons et l'enthou-
 siasme grandissait; l'amour de la Provence, une véritable frénésie pour la
 poésie, la fraternité entre les felibres remplissaient -tous les cœurs et se
 traduisaient par des embrassements, des protestations d'amitié et des chants
 et pendant trois jours celte ardeur immense, cette joie, cet enivrement
 n'ont fait que grandir, excités par les applaudissements des belles dames et
 des gracieuses Provençales, par les bravos d'une immense et bruyante po-
 pulation. Hélas ! hélas ! quel accueil recevraient nos poètes, et nous avons
 des noms qui vont de pair avec les plus grands, quel accueil recevraient nos
 poètes s'ils donnaient une séance publique et récitaient leurs vers dans la
 grande salle de l'Hôtel-de-Ville où se prononçaient autrefois les discours de
 la Saint-Thomas!
   — L'Exposition des Amis-des-Arts s'ouvrira le 9 janvier ; là, du moins,
à défaut d'enthousiasme nous aurons de l'empressement. Depuis trente ans,
nos artistes ont toujours trouvé un public ami autour de leurs œuvres.
                                                            A. V.
                               Aimé VINGTKWIER,      Directeur-Gérant.