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18                    NICOLAS BERGASSE.

    Le 5 mai suivant, le roi Louis XVI ouvrait à Versailles
la session des Etats généraux. Douze cents députés, prêtres,
nobles, bourgeois, se levèrent au cri de Vive le roi! au mo-
ment où le chef héréditaire de la nation, suivi de la reine
et des princes de sa maison, fit son entrée dans la salle.
« Messieurs, dit-il d'une voix émue, le jour que-mon cœur
attendait depuis longtemps est enfin arrivé, et je me vois en-
touré des représentants de la nation à laquelle je me fais gloire
de commander. » Puis, après avoir parlé de la dette immense
qui pesait déjà sur le royaume au moment de son avènement,
et dont le chiffre s'était encore accru parla guerre d'Amérique,
le roi signalait fermement aux députés la nécessité de mettre
fin à l'inquiétude générale des esprits, qui ne tarderaient pas,
annonçait-il, a s'égarer dans un désir exagéré d'innovations,
si l'on ne se hâtait de les fixer par une réunion d'avis sages
et modérés.
   Malgré l'attrait toujours nouveau de cette histoire si sou-
vent répétée des premiers jours de la liberté politique en
France, je ne me laisserai pas aller à vous la raconter à mon
tour. Entre les divers partis qui allaient se rencontrer dans
l'arène parlementaire, Bergasse avait depuis longtemps mar-
qué sa place ; sa réputation était tellement éclatante qu'on
peutdirequ'ilentraitaux Etats généraux comme il était entré
quinze ans avant dans la salle de l'Hôtel-de-Ville de Lyon,
précédé par un bruit de fanfares. Rien ne lui manquait de ce
qui doit assurer le succès d'un homme politique, ni le ta-
lent, ni les convictions, ni l'ambition, ni même des ennemis.
Les courtisans, qui regrettaient le duumvirat de Loménie de
Brienne et de Lamoignon, détestaient l'avocat qui avait marqué
ce ministère au fer rouge de son éloquence; le parti des par-
lements redoutait en lui un protecteur éclatant remercié par
une éclatante ingratitude; enfin les esprits à systèmes qui vi-
saient à~ s'imposer à l'assemblée lui reprochaient de tenir