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                              INAUGURATION.                                77
   L'architecte, M. Chenavard, a bien voulu communiquer à la Revue du
Lyonnais une belle planche qui permettra à ceux qui n'ont pu la voir, de
juger et d'apprécier la nouvelle création d'un survivant de la Grèce
antique. L'art en fait toute la richesse (1).
   Malheureusement une gravure d'architecture n'a pas des rayons de soleil
à verser dans les veines du marbre pour en vivifier la transparence, pour
l'animer comme le sang anime la chair sous laquelle il circule ; mais elle
aide à comprendre la pureté des lignes, la délicate harmonie des profils,
dont M. Chenavard pousse la science et l'amour à des limites extrêmes.
   Dans les Å“uvres de proportions modestes, notamment dans les tombeaux
qu'il a parsemés sous les tristes ombrages de Loyasse, souvent il s'élève aux
qualités des œuvres magistrales qu'on revoit et qu'on étudie sans jamais se
lasser. S'il en est quelques-unes qui heurtent le sentiment chrétien de la
civilisation moderne par leurs formes ou du moins par leurs symboles trop
exclusivement antiques, la perfection de l'art excuse la prédilection de
l'artiste, prédilection qu'il a su associer parfois aux pensées poétiques et
touchantes de la foi catholique.
   Quelques-unes de ces compositions affectent une aisance, une simplicité
naïves qui trahissent les soins patients que le génie a pris afin d'atteindre
à tant de perfection, et de parvenir à peindre avec un bloc de marbre taillé,
comme d'autres peignent avec une palette. Aux ardentes clartés du soleil
qui éclairait l'inauguration du tombeau de Bonnefond, et lorsqu'elles sont
habilement ménagées par les eclaircies du feuillage d'un saule-pleureur
ou d'un cyprès, cette peinture en pierre se colore soudain, et ses effets,
d'une sobriété grandiose, exercent sur les imaginations un empire et un
charme irrésistibles.
   Vous voyez le cippe funéraire de Bonnefond ; il est simple, classique ;
trop même, et un peu large dans le bas, si l'on considère la légèreté du
trépied qui le couronne, et dont la signification exacte, le rôle précis pour-
ront paraître iei assez incertains. Entre les jambes de ce trépied, deux fortes
branches de laurier s'enlacent, se froissent, se tordent avec une nerveuse
souplesse, jusqu'à ce qu'elles soient parvenues à s'échapper de l'étroite
cloison qui comprime la vigueur de leur sève, et à monter au-dessus de la
 coupe, où elles se groupent avec une fierté coquette et pleine d'élégance.
   Au centre des volutes feuillagées qui ceignent la tête du dé, au-dessous
de la corniche, apparaissent les signes du chrétien. Sur les faces invisibles,

   (1) Elle est élevée dans une contre-allée, l'avant-dernière de celles qui
longent le mur d'enceinte, à droite en entrant. Saint-Jean repose du côté
opposé , presque en face ; c'est-à-dire dans l'allée qui longe le mur d'en-
ceinte, à gauche en entrant.