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RENTRÉE DES FACULTÉS.—DISCOURS DE M. FAIVRE. La rentrée des Facultés a eu lieu le vendredi 21 novembre avec la solennité accoutumée. Depuis trois ans , par une innovation heureuse, au lieu de cinq rapports , dont les détails techniques étaient plus faits pour intéresser un conseil qu'une grande assem- blée, nous avons le plaisir d'entendre un vrai discours sur un des sujets les plus élevés des sciences et des lettres. L'orateur était, cette année, M. Faivre, professeur de botanique à la Faculté des sciences. Il a abordé avec succès , à propos du système de Darwin sur la sélection des races, une des plus grandes ques- tions de la philosophie des sciences naturelles , celle de la fixité ou de la variabilité des espèces. Il a fait connaître d'abord le principe de la sélection artificielle et les résultats auxquels elle a conduit, en France et en Angleterre, les éleveurs et les horticulteurs. Ensuite il a exposé le principe de la théorie de Darwin sur la sélection naturelle ; l'origine des variations, leur transmission par voie de l'hérédité, leur dévelop- pement graduel, sous l'influence du combat de la vie ou de la concurrence vitale. M. Faivre a cherché à établir comment le sys- tème de Darwin est inacceptable dans son principe, et inadmissi- ble dans ses conséquences. Il lui reproche de ne pas faire assez grande la part des influences extérieures , de s'appuyer sur des hypothèses que les faits ne justifient pas , pour arriver à cette conclusion, qu'il n'y a que quatre ou cinq types primitifs qui, di- versement modifiés, ont engendré toute la variété actuelle des espèces. Selon M. Faivre, les faits de la sélection artificielle, sa- gement interprétés, nous ramènent contrairement à l'opinion de Darwin, à la théorie delà fixité des espèces et de leur variabilité limitée. — Ce discours, remarquable par l'élévation des vues, par l'élégance et la clarté, a été écouté avec le plus grand intérêt et vi- vement applaudi par la docte assemblée. Nous nous permettrons seulement de reprocher à M. Faivre d'avoir peut-être trop fait in- tervenir les intérêts de la Providence et de la puissance créatrice dans ses arguments contre Darwin. Qu'il y ait quatre ou cinq types primitifs, qu'il n'y en ait même qu'un seul, au lieu de cent, au lieu de mille, nous ne voyons pas que la Providence ait rien à y perdre ; nous ne serions pas même très-embarrassé de prouver que, dans le premier système, sa prévoyance admirable éclate encore mieux que dans le second. Il ne faut pas, à ce qu'il nous semble, mettre si fa- cilement la Providence à la merci, en quelque sorte, des hypothèses et des découvertes scientifiques, ni la rattacher trop étroitement à l'état actuel delà science, qui du jour au lendemain peut chan- ger. Peut-être vaudrait-il mieux imiter l'exemple de Fénelon qui, dans son Traité de Vexistence de Dieu, s'attache toujours à montrer que la Providence est sauve, soit qu'on embrasse l'une ou l'autre des grandes hypothèses qui divisaient la science de son temps. D'ailleurs , partout où il y a une loi, même celle de la concur- rence vitale, il y a un ordre, il y a un plan, il y a la Providence. F. B.