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                   LE CHATEAU DE CARILLAN.                   57

   Julien avait été conduit avec toutes sortes de ménagements
 au château de Carillan, dès que nous l'eûmes acquis. Tu
 penses avec quel intérêt nous observions ses sentiments.
   II suivit longtemps dans la maison les traces de Mme Clair-
vaux. Nous avions travaillé à les effacer ; mais néanmoins il
évoquait partout un douloureux souvenir. Rose l'épiait quel-
quefois avec des regards désespérés.
   Quand je fus installé avec Marguerite à Carillan, je voulus
que notre ami passât quelque temps auprès de nous. Ce sé-
jour se prolongea, grâce à la saison des vacances, qui lui
laissaient toute liberté. Peu h peu, il me semblait voir dimi-
nuer l'impression que ces lieux devaient faire sur lui. Quand il
était au milieu de nous, il paraissait même oublier qu'il se
trouvait à Carillan, parmi ces jardins, ces appartements, où
avait vécu M,le Gersol. L'influence le reprenait souvent, au
contraire, quand il était seul. Nous nous montrions empressés
à le distraire, à lui tenir compagnie. Il s'en apercevait et
semblait jaloux de nous échapper. C'est ainsi qu'il aimait à se
promener le matin de bonne heure, seul au jardin. Il s'arrêtait
alors devant tous les objets qui pouvaient avoir été plus
directement mêlés à la vie de celle qu'il aimait toujours.
Rose le voyait souvent sous sa fenêtre, car on lui avait donné
la chambre même qu'occupait Mme Clairvaux. Cette preuve
de fidélité la désespérait.
   Pourtant, il était visible que nous gagnions du terrain de
jour en jour, dans la lulte qbe nous avions entreprise contre
le premier amour de Julien. Il était plus rêveur, plus poète
que jamais. Les brumes et la mélancolique saveur de l'au-
tomne qui commençait,développaient en lui le besoin d'aimer,
et cette tendresse ne pouvait se porter toujours vague et
indéfinie, sur un objet absent dont ses amis et son pèfë tra-
vaillaient insensiblement à combattre le souvenir.
   Ma sœur se présentait, aii contraire, à ses regards dans