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                  LE CHATEAU DE CARIIXAN.                    43

   — Qui que tu sois, voilà ton maître... murmura M. Alfred.
   — Oui, prends garde, reprit gaîment Julien, le docteur te
prédit que tu seras électrisé, qu'il y aura désorganisation
dans ton moral.
   — Amen! répondis-je en souriant.
   En même temps, suivant l'exemple de M. Pivalle, je m'é-
tendis sur l'herbe, en cédant à la fatigue et au sommeil.
   — Dormons! dit Julien, qui jeta un manteau sur moi.
   Monsieur Léon Gérard ouvrit son parapluie de paysagiste
et voulut le ficher en terre au dessus de ma tête, ce qui exci-
ta le rire de nos compagnons. Je me défendis d'accepter cette
singulière politesse. M. Léon reprit donc son ombrelle et la
planta pour lui, en déclarant qu'il craignait beaucoup le
serein qui ne devait pas tarder à tomber.
   — Bonne nuit! murmura Julien à mon oreille. Il est une
heure et demie ; nous repartirons à cinq.
   Le sommeil alourdissait mes paupières. Je les rouvrais de
temps en temps pour suivre la conversation et les gestes de
mes compagnons, qui se préparaient à dormir aussi. Un
moment je fixai mes yeux ù demi fermés sur la fumée légère,
qui s'élevait du foyer en tourbillonnant. Je perdis la cons-
cience de l'étrange situation où je me trouvais. J'oubliai l'île
déserte, les arbres, le bateau de Julien, la rivière que le vent
agitait et dont les vagues me berçaient encore de leur mur-
mure. Mon esprit, surexcité par les émotions multiples de
celte soirée, commençait le rêve avant que le sommeil même
fût complètement venu. Je vis une jeune fille à mes côtés...
La fumée du foyer semblait me dérober sa figure. Elle
chanta la dernière pensée de Weber... je crus entendre la
bien aimée de Julien... puis elle me sourit et je la recon-
nus: c'était Marguerite Laval!...
   Quand je me réveillai, il faisait grand jour.
   Tout était levé autour de moi et je me trouvais soigneuse-