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38 LE CHATEAU DE CARILLAN. justice, par son esprit, son éducation brillante, et ses bonnes manières. « Julien allait finir son droit, quand Mme Gersol, restée à Besançon, mourut presque subitement. Son fils en fut très— peiné, et Julien prit une part d'enfant dans le deuil de la fa- mille. M|le Gersol restait au pays sans appui, sans parents. Son frère accourut la chercher et l'emmena à Paris, où elle fut installée avec une demoiselle de compagnie. « Qui pourrait dire la joie de Julien quand il se retrouva de nouveau près de son amie?Mme Gersol ne lui avait jamais fait sentir la surveillance qu'une mère exerce sur sa fille; elle connaissait assez la délicatesse de Julien. Gersol l'écartait encore moins de sa sœur, et notre ami eut auprès de sa bien- aimée un libre accès. Ils se trouvaient fréquemment ensemble. La jeune fille pleurait sa mère, et Julien versait avec elle des larmes non moins sincères sur une femme qu'il affectionnait vraiment. Souvent il partageait les travaux de son amie, l'y aidait, travaillant parfois lui-même, ou faisant quelque lecture auprès d'elle. Jugez si dans ces circonstances l'amour de Julien devait grandir, si ses espérances pouvaient se révéler. Il ne cessait de parler de la position honorable qu'il devait bientôt acquérir, de son désir d'un prompt établissement, d'un ave- nir enfin que devait partager celle qui l'écoutait. Durant de longues soirées où, en l'absence de Gersol, Julien el la gouvernante tenaient compagnie à sa sœur, est-îl possible que celte jeune fille n'ait rien compris de l'ardent amour et des honnêtes intentions de noire ami? Je laisse cetle proba- bilité à votre appréciation, pour courir audénoûment. « Huit ou dix mois après la mort de sa mère, Gersol dit un jour à Julien : — « Àh ! toi qui es un ami de la maison , je te dois une nouvelle... je vais marier ma sœur!... — Est-il possible?... s'écria Julien, qui se sentit défaillir.