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LE MOIS DES MORTS. 419 Voici les berceaux familiers Où, dans la mousse et les pervenches, Les baisers chantaient par milliers, Comme les oiseaux sur les branches. Mais ces rameaux et ces soleils, S'ils t'ont prêté l'ombre et la flamme, S'ils t'ont donné leurs fruits vermeils, Ont pris tous des parts de ton âme. Tu la jetais à tous les vents, Pour un mot, pour un regard tendre... Mais, viens, et les morts vont te rendre Ce qu'ont emporté les vivants. Car, là -haut, sur les mêmes grèves, Dans ces astres peuplés d'esprits,- Flottent à la fois les débris Et les "germes de tous nos rêves. Là haut, dans l'immatériel, Tout va perdre et retrouver l'être ; Quand les morts descendent du ciel, C'est pour nous aider à renaître. Par de désirs et de remords, Fais donc, sans terreurs insensées, La moisson d'austères pensées Qui se récolte au mois des morts. Victor de LAPRA.DE, De l'Académie française.