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AU xir 3 SIÈCLE. 305 des veuves, des orphelins, les pilleurs et les oppresseurs de celte multitude sans force et sans crédit qui ne peut se dé- fendre elle-même; ils n'osaient point dire tout haut, mais ils murmuraient au fond de leurs mauvais cœurs, que désor- mais toute voie allait être fermée à leurs brigandages. Car telle est la situation, vous le savez , je crois, du territoire voisin de Cluny, que, privé de roi, de duc ou de prince qui le défende, il est dans le plus vif contentement dès qu'il pense avoir trouvé quelque espoir do repos. Et comme il a confiance d'avoir trouvé sérieusement tout cela dans Humbert, sa joie éclate et il ne peut dissimuler ses joyeuses espérances. Depuis qu'il est arrivé, Humbert a bien montré qu'on ne comptait pas en vain sur lui, lorsqu'il a tellement réduit le vicomte de Mâcon, qui cherche à dévorer nos terres le matin, le soir et la nuit, qu'on pouvait à bon droit lui appliquer ces paroles de Job: « J'écrasais les mâchoires de l'homme injuste, et j'ar- rachais sa proie de ses dents. » En peu de temps, c'est-à -dire depuis son retour, Humbert a fait aussi justice de beaucoup d'autres déprédateurs d'en deçà et d'au delà de la Loire. Votre Cluny attend le même service d'Humbert, dont les conseils et les secours lui sont plus indispensables qu'à aucun monastère et à aucune église de ce pays. Je vous prie donc, et comme votre intime ami, je vous conseille, si quelque plainte s'élève contre son retour au milieu de nous, de lui permettre de rester séparé quelque temps de votre pieuse milice, et de l'abandonner lui-même au jugement de sa propre conscience. C'est un homme sage et discret: je crois que vous gagnerez plus auprès de lui par la tolérance que par des contestations irritantes ; je connais, je crois, son cœur, et dans son entretien intime j'ai bien découvert qu'il craint Dieu, et qu'il sacrifierait tous les biens du monde au salut de son âme. Laissez-le donc quelque temps à ce malheureux pays qui en a besoin plus que je ne puis le dire, et, permet- 20