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406 TRAVAUX DE t'ACADÉMIE. On insiste sur les différences profondes des phénomènes de l'âme et des phénomènes de la vie, et l'on ne veut pas voir qu'il y a ici une ressemblance essentielle qui l'emporte sur toutes les différences, à savoir qu'âme et vie sont deux causes humaines, font également partie de la constitution de l'homme. Que de- viendra l'unité de l'être humain, si on le partage entre deux principes ? En dépit de toutes les alliances qu'on pourra imaginer, ce ne sera plus une unité réelle, mais une unité collective. Quels seront les rapports entre ces deux principes? Viendront-ils tous les deux à la fois ou bien successivement? Quelles seront leurs destinées? Dans quelles difficultés ne se jette-t-on pas pour aller contre la grande règle, qu'il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité ? Aux arguments métaphysiques s'ajoutent des arguments psy- chologiques. Il faut, suivant M. Bouillier, une singulière inatten- tion ou beaucoup de prévention systématique pour prétendre que les phénomènes de notre vie ne nous sont pas connus d'une autre manière que les phénomènes du monde extérieur. Par une sorte de sens interne qu'on peut appeler sens vital, l'âme perçoit ce qui se passe dans les organes. Indépendamment de la per- ception par les organes, il y a la perception des organes eux- mêmes qui nous informe constamment et de l'existence et de l'état du corps. Cette perception, que l'habitude efface, est sans doute plus ou moins confuse dans l'état ordinaire, mais elle de- vient distincte toutes les fois que quelque chose de nouveau, quelque trouble ou quelque excitation se produit dans les or- ganes, Sans doute cette connaissance intime du corps n'a rien de scientifique ; elle ne dispense ni de l'anatomie ni de la médecine, mais elle suffit amplement à prouver que nous connaissons notre vie d'une autre façon que la vie d'un chien ou d'un poisson. Non seulement, selon M. Bouillier, nous avons la perception des phénomènes de la vie, mais nous avons la conscience de la cause de ces phénomènes. Nous avons conscience de l'effort par jequel nous mettons le corps en mouvement, par lequel nous soutenons le poids du corps, par lequel nous soulevons la poi-