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PIERRE REVOIL. 187 par le nombre, mais où sont les chefs-d'œuvre ? Assurément les arts, aussi bien que les lettres, suivent le courant des idées. Chaque époque a et doit avoir son originalité propre, et, si elle imite, ce doit, être en créant. On ne saurait peindre ou écrire aujourd'hui comme on le faisait dans les siècles de Périclès, d'Auguste, de Léon X et de Louis XIV. Mais si les arts doivent s'empreindre de la couleur locale et de l'esprit du temps, encore faut-il qu'ils respectent les éternelles lois du beau et du vrai qui émanent du ciel et qui sont immuables comme lui ; phares aériens placés au-dessus de la terre pour nous guider, comme le soleil pour nous éclairer, sans qu'il nous soit donné d'y rien changer ! Ce n'est pas ainsi que l'a généralement compris le vulgaire du clan romantique. Là , pour un adorateur du vrai Dieu, on se heurte contre cent adorateurs de Baal et la confusion des langues, qui règne dans les lettres et dans les esprits, s'introduit dans les arts qui, eux aussi, ont leur tour de Babel. Pour ces der- niers, l'excentricité, c'est l'originalité; la règle c'est le' caprice d'une imagination plus ou moins déréglée. Leur nature à eux, ce n'est pas la nature vraie ; c'est une nature de convention, une oeuvre de leur imagination ; ils veulent faire mieux et plus beau que Dieu ! Qui sait peut-être!.... Révoil attribuait en grande partie cet état de choses à l'esprit de coterie qui a remplacé l'esprit d'école et à la cri- tique telle qu'elle se pratiquait alors. Pour être impartiale, polie et bienveillante, la critique en serait-elle moins digne et moins utile ? Elle doit aiguillonner le talent et enlever à la médiocrité ses illusions, cela n'est pas douteux ; mais si elle s'exerçait comme je l'ai entendu exercer ici même, Messieurs, dans le remarquable rapport qui vous a été fait sur le concours ouvert à propos de l'annexion de la Savoie à la France, elle ne ferait pas moins de bien à l'art, et ferait beaucoup moins de mal aux artistes.