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MEURE REVOIL. '177 familles. L'ouvrier, l'homme pauvre, on le sait, tend a s'é- lever dans la personne de ses enfants. Cette tendance peut avoir ses égarements et ses dangers, mais on ne saurait nier qu'elle n'ait quelque chose de saint et d'attendrissant. Comment, en effet, ne pas être ému, en voyant un père et une mère pauvres se priver souvent du nécessaire pour faire donner de l'éducation à leurs enfants ! Lorsque Révoil apprenait que les parents de quelques-uns de ses élèves fléchissaient sous le poids de ces pieux sacrifices, il recou- rait, pour leur venir en aide, sans les blesser, a une ruse touchante. 11 envoyait dans la pauvre famille un compère pour commander a l'élève un petit tableau qu'il payait avec l'argent de Révoil. De cette manière c'était le fils qui pa- raissait venir au secours du père et de la mère, et qui com- mençait ainsi a les récompenser de leurs sacrifices et de leur tendresse, et la main qui donnait restait cachée. C'était Booz, et mieux peut-être ; Booz se gardant bien de donner des gerbes a Noémi, mais ordonnant qu'une ample moisson d'épis fût oubliée par les moissonneurs, afin que la glaneuse ne dût ses épis qu'au travail qui les engerbait, et à Dieu qui les avait fait pousser ; a Dieu devant lequel seul, nous pouvons, sans descendre, tendre la main. Touchante et no- ble charité, qui s'ignore et se suffit, sans même avoir besoin de reconnaissance ! Puis, comme ce n'était pas pour faire de nous des sol- dats que Révoil avait dépensé tant de soins, de peine, de travail et d'affection, lorsque venait l'heure de la conscrip- tion militaire, si le sort frappait quelques-uns de ses élèves les plus aimés, il réussissait presque toujours, à force de démarches et de sollicitations, et grâce à la légitime in- fluence dont il jouissait, à obtenir leur exemption, même sous l'Empire. Et, quand ensuite nous avions grandi sous lui et par lui, 12