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164 MOSAÃQUE ROMAINE. ( 1. 34; c. 7), l'aigle semblait craindre que ses ongles ne blessas- sent Ganymède à travers son vêtement. Martial a signalé aussi cette attention de l'oiseau à ne pas offenser avec ses ongles son galant fardeau. Mlhereas aquilà puerum portante per auras, Illaesum timidis unguibus hÅ“sit onus. (L. 1 ; épigr. 7). L'auteur inconnu d'une pièce élégiaque sur la mort de Mécène, recueillie dans l'Anthologie latine deBurmann, fait la même re- marque et presso molliter ungue rapit. (T. l , p . 2S1). Nul indice dans notre tableau, n'exprime la violence d'un rapt. Le jeune berger du mont fda, son pedum pastoral à la main, son manteau, teint en pourpre, flottant derrière lui, ses cheveux lé- gèrement soulevés par l'air, semble s'élever de lui-même plutôt qu'être emporté par son ravisseur. Tandis qu'il franchit l'espace, un doux contentement resplendit sur ses traits et dans son regard dirigé vers le ciel où il monte, et vers la tête de l'aigle penchée sur la sienne. Rien de charmant comme le contraste de ce beau corps juvénile, blanc, arrondi, du plus beau garçon qui jamais ait paru parmi les mortels, avec le rude et fauve plumage des grandes ailes éployées du rapide oiseau. Cet aigle, c'est facile à voir, n'est autre que Jupiter lui-même. Ce grand Å“il bleu plein d'une amoureuse pas%ion, ces lignes de feu qui brillent sur son aigrette touffue , qui courent sur ses plumes comme un reflet de la foudre, trahissent sous son déguisement le maître du ton- nerre. Plus d'une fois, ce père souverain des dieux et des hommes, n'a-t-il pas pris, pour servir ses amours, des transfor- mations tout aussi singulières? Ce qui faisait dire au malicieux épigrammatiste, à la vue d'une Europe : Mutari meliùs tauro, pater optime divûm, Tune poteras, Io cwm tibi vacca fuit. (Martial,!. 14; épigr. 180).