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MOSAÃQUE ROMAINE. 165 Par suite de l'état de dégradation de la partie inférieure du médaillon, les jambes de Ganymède manquent au-dessous des genoux. On devait y voir aussi, suivant la description de l'enlè- vement dans l'Enéide et comme sur un bas-relief du musée de Vienne , le chien du jeune pâtre aboyant après le ravisseur de son maître. sÅ“vitque canum latratus in auras. (iEneid.,v. 258). La correction du dessin, l'agrément de la composition, le ta- lent d'avoir su ne pas trop mentir à la merveilleuse beauté de Ganymède, d'avoir su prêter à un aigle des passions humaines , et pu faire deviner un dieu sous la forme d'un oiseau, l'éclat du coloris obtenu à l'aide d'un petit nombre de teintes contraire- ment à la manière des modernes d'énerver leurs peintures par une trop minutieuse gradation de nuances, font du groupe dont il s'agit, une des plus belles choses qui aient été trouvées à Vienne, où il s'en est déjà trouvé tant et de si belles, et le placent à côté de l'Orphée , découvert il y a trois ans, dans les fouilles du Champ de Mars. Dans les sujets des tableaux secondaires dont il a été parlé en commençant, l'artiste parait avoir surtout cherché à produire, par le jeu des couleurs, d'agréables et brillants effets. Si, usant un peu du privilège accordé sans doute aux peintres tout aussi bien qu'aux poètes, de tout oser, il a versé hardiment, sans beaucoup de souci de la vérité, des flots roses et rouges dans ses mers, s'il a fait chatoyer à souhait pour le charme des yeux, sur le corps d'un dauphin, le rose tendre, le bleu saphir, le vert éme- raude , il n'a en cela fait que donner la preuve d'une poétique imagination et de l'entente de son métier de mosaïste. Mais par quelle sorte de miracle ce joli groupe de Ganymède, que nous venons d'essayer de décrire, a-t-il pu, pour ainsi dire à la surface du sol , échapper presque seul lors de l'opération du défoncement du terrain pour la plantation de la vigne dans le champ qu'il occupe? Il faut bien croire que ce fut uniquement à cause du plaisir, de l'espèce de charme que sa vue aura fait