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408 NICOLAS BERGASSE. que « le devoir de la Constituante, d'après tous les engage- mentsqu'elle avait pris, c'était d'établir un gouvernement libre mais monarchique (1) ; » mais il avait eu le temps de mettre la main et de laisser la marque de son esprit dans la pre- mière constitution que la France se soit donnée. Il demanda la sanction populaire pour la charte de 1814, el n'approuva pas les ordonnances de Juillet, où il ne vit qu'un maladroit lit de justice de la royauté contre le corps électoral qu'elle avait voulu. Ce qu'il y eut d'incomplet dans ce puissant-esprit, ce qui resta d'inachevé dans cette vie qui se consuma tout en- tière à la poursuite d'un grand ouvrage toujours annoncé sur les droits et les devoirs politiques, et dont il ne put jamais donner que l'éloquente préface, n'esl-ce pas un trait de res- semblance de plus avec l'époque dont il est sorti ? 89 est-il lui-même autre chose qu'une sublime préface dont le livre s'écrit feuillet par feuillet, et non sans ratures, depuis trois quarts de siècle? Mais me dira-t-on, avec cette unité de vues dont vous le vantez, l'ancien avocat au parlement n'a pas su se faire dans la société nouvelle une position en rapport avec ses talents, et vous ne nous" montrez au bout de cette ligne droite qui fut sa vie qu'une vieillesse honorée sans doute, mais humble de ressources et nulle d'éclat. Cela est vrai, Bergasse a eu son jour pour la célébrité ; il ne l'a pas eu pour le pouvoir. Son importance est restée pour ainsi dire anonyme, et je ne devais jamais mieux le comprendre qu'en essayant de vous en révéler quelque chose. Mais je lui sais gré tout d'abord de n'avoir rien sacrifié de lui-môme à la facile ambition de parvenir. Combien d'autres ont cessé d'être quelqu'un pour arriver à être quelque chose ! De l'aveu de ses amis, il portait dans le commerce ordinaire de la vie l'humeur difficile d'un • (1) Histoire de la Révolution, 1.1, p. 330.