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100 NICOLAS BERÇASSE. lexandre voulait des adeptes, elle en cherchait parmi les hommes en renom. Bergasse, que le rayon mystique avait touché dans sa jeunesse, et qui n'avait pas perdu depuis Mesmer le goût du merveilleux, fut mis en relation avec elle par Mm" de Lezay-Marnésia, compagne dévouée de la pro- phétesse. C'est par elle qu'on a pu connaître et me trans- mettre un des bizarres épisodes de celle époque dont on pourrait croire que tout a été dit. Dans le Paris du mois de juillet 1815, qui n'était plus, hélas ! que le champ de parade des armées de l'Europe, on voyait quelquefois le soir un équi- page s'arrêter à l'angle du faubourg du Roule et de la rue de la Pépinière; trois personnes en descendaient, un homme de haute taille et deux femmes. Les trois inconnus gagnaient, à travers les terrains encore non bâtis des jardins dû roi, une maison de nulle apparence, qui était autrefois celle du jardi- nier. Un vieillard les y attendait dans une petite chambre qui n'avait pour tout mobilier qu'un vieux fauteuil en velours d'Utrecht, une chaise, un tabouret, un bureau en bois blanc et un lit. Ce logement, Messieurs, était celui de Nicolas Ber- gasse, et ces inconnus n'étaient autres que le czar Alexandre, Mme Krùdner et Mme de Lezay-Marnésia. Le maître de mai- son gardait le fauteuil après l'avoir offert à son auguste visi- teur ; l'auteur de Valérie s'asseyait ou le plus souvent mon- tait debout sur la chaise ; sa compagne s'adossait au lit, et le czar, accroupi sur ie tabouret en face de la sibylle, allongeait ses grandes jambes sous Je fauteuil de Bergasse. Là , devant ce cénacle de ses initiés les plus intimes, Mme de Krtidner s'élevait aux plus transcendantes divagations defilluminisme. Le voile des temps se déchirait devant elle ; l'unité de la race d'Adam, fractionnée jusqu'ici en tant de nations et de reli- gions ennemies, se refaisait par la sainte alliance des rois ; l'humanité, indéfiniment perfectible, ne connaissait plus que de nobles instincts; la terre purifiée remontait vers le ciel