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NICOLAS BERGASSE. 101 comme une brume légère au lever de l'aurore, et une révé- lation religieuse nouvelle brillait sur le monde, d'où le règne du mal était à jamais banni. Le czar suivait d'un œil fasciné le vol de son aigle blanc, et de temps en temps regardait, non sans inquiétude, du côté de Bergasse. Celui-ci, souriant et séduit, reprenait gravement ses hautes rêveries qu'il avait entrevues lui-même dans ses premières recherches sur la loi d'harmonie universelle, et s'efforçait de les ramener une à une aux solutions pratiques du catholicisme et aux possibi- lités de la politique. Plusieurs séances furent ainsi données à Mmc de Krûdner pour exposer son système entre le souve- rain qui devait l'appliquer et le vieux philosophe à qui l'on demandait de le juger. Quelle scène à montrer au monde, Messieurs, après l'hécatombe de Leipsick et de Waterloo ! Il en résulta tout au moins que le czar emporta de France la plus sérieuse estime pour le vieux disciple de Saint-Martin, en qui il avait trouvé par occasion un politique. C'est en grande parlie à son influence que fut due la première entrée aux affaires de M. le duc de Richelieu, dont les liens avec la Russie étaient publics, mais qui avait pour la France le pre- mier mérite de mettre fin au scandale du ministre Fouché. Sa correspondance avec Alexandre, connue seulement par quelques réponses de celui-ci insérées dans la Biographie universelle, et qu'on serait si curieux de lire en entier, devint active, surtout aux approches du congrès de Véronne. Elle nous montre le czar voulant avoir, comme en 1815, l'avis de Bergasse sur les points les plus délicats de la politique. « Je vous saurai gré, monsieur, lui écrivait-il de Pétersbourg, de la continuation de votre correspondance; j'y attache un prix réel (1)... Je recevrai avec beaucoup de plaisir le travail que vous m'annoncez, et vous invite à me le faire parvenir à (1) 23 décembre 1819.