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                   LE CHATEAU DE CAR1IXAN.                    59

reprendre haleine, s'avança brusquement jusqu'au piano et
s'arrêtant tout court alors, comme honteux de celle singulière
entrée, il paraissait un somnambule que l'on vient d'éveiller
au milieu de sa course involontaire... C'était Rose précisé-
ment qui jouait avec M. Laval. Leur concert avait été inter-
rompu par la bruyante irruption de Julien dans l'apparte-
ment. Je tentai vainement d'en dissimuler la cause à ma
sœur; elle l'avait comprise avec celle merveilleuse finesse
d'intuition qui n'appartient qu'aux femmes. Vainement elle
voulut reprendre sa musique ; l'émotion et la douleur l'avaient
vaincue.
   Cet événement, pourtant, servit puissamment sa cause. Dès
ce moment, il élait impossible que Julien regardât Rose sans
une véritable émotion. Peu à peu, Mlle Gersol qui n'existait
plus, se dépouillait des sentiments de Julien et ma sœur re-
cueillait son héritage.
   A-t-il compris tout seul combien elle l'aime, ou bien ses amis
lui ont-ils expliqué notre présence à Carillan ? Je ne sais ;
toujours est-il que le courage de ma sœur vient de triompher.
M. Leroy a demandé sa main à mou père pour Julien, nous
allons demain à Besançon lui rendre sa visite.
                                     Félicien RAYMOND.