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                   LE CHATEAU DE CARIIAAN.                       45

   Nous nous quittâmes donc, en nous promettant bien de nous
revoir le plus tôt et le plus souvent possible.
     Seul avec mon guide, en regagnant la maison paternelle,
je ne cessai de repasser dans ma tête les curieux incidents de
la nuit précédente. Le souvenir de Mlle Laval se présentait à
mon esprit avec une vivacité qui m'étonna. Je ne tardai pas à
comprendre cependant que la rencontre de Julien, le nouveau
cours qu'elle avait donné à mes pensées, les impressions
douces et rêveuses que m'avaient laissées mon excursion si
poétique et l'histoire de mon ami, portaient naturellement
monâme à la tendresse. Je ne m'en défendis nullement. Je
songeai au vœu que j'avais fait le matin dans ce simple mo*
« Amen ! » Je me demandai s'il devait se réaliser si tôt et si
jyjiie Marguerite devait en être l'objet.
   Par une curiosité assez naturelle, je cherchai à me repré-
senter ses traits, sa physionomie fine et spirituelle, ses lèvres
roses et souriantes, ses sourcils à peine tracés d'un trait noir
et ses yeux toujours voilés sous leurs longs cils. A ce séduisant
visage j'ajoutais ce je ne sais quoi de gracieux et de digne
qu'elle avait dans le port, dans le maintien; sorte de perfec-
tion qui se révèle au regard et qui peut bien être, comme la
physionomie, un indice des sentiments de l'âme. Je dotais
celle fille charmante de tous les dons qu'elle avait pu acquérir
dans une excellente famille et une forte éducation... d'où il
suivit, qu'en arrivant sous le toit paternel, j'avais la tête et le
cœur pleins de celle que j'avais reniée le matin même pour la
dame de mes pensées.
   Bien qu'il fût tard, ma sœur veillait encore pour épier mon
retour. Je n'eus rien de plus pressé que de me trahir maladroi-
tement, car je lui dis en l'embrassant :
   — Va donc demain chez Mlle Laval et j'irai te prendre le
soir !