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46 • LE CHATEAU DE CARILLAN. — Chez Marguerite ?... oui-dà ! fit ma sÅ“ur, et si elle n'était pas ici?... — Marguerite! se pourrait-il? Comment! elle a quitté la ville? Et où est-elle? — Que t'importe? reprit malicieusement Rose, riant de mon indiscrète étourderie, tu la verras demain soir. Il suffit!... j'en sais plus que je n'en voulais apprendre; et cependant j'ai encore quelque chose à te demander. Tu ne me refuseras rien ce soir, n'est-ce pas?... Eh bien ! conte-moi tout ce que tu as fait avec M. Leroy. — Oui, je le veux bien , répondis-je, avec l'intention de gagner du temps et de ne point livrer à Rose, à cette heure tardive , un récit aussi propre à l'impressionner. Je le veux bien, c'est assez curieux; mais demain... Ma sÅ“ur me pressa tellement, qu'il me fallut céder. Nous passâmes donc une heure de la nuit, moi à rappeler avec plaisir, elle a écouter, avec un avide étonnement, toutes les circonstances de notre singulier voyage, à part l'épisode du château de Carillan, que j'eus soin de passer sous silence. L'attention avec laquelle Rose m'écoutait, les questions dont elle me pressait sur Julien, et qui révélaient le soupçon d'un mystère , son nom qu'elle prononçait presque avec le même élan qui m'avait arraché celui de Marguerite, tout, jusqu'à sa veillée tardive pour avoir ces détails, me frappa d'une pensée singulière. Je songeais à cela en montant à mon pavillon , et, m'arrêtant tout-à -coup sur l'avant-dernière marche, je me demandai si ma sÅ“ur, qui , à dix-huit ans, n'avait encore montré aucune affection particulière, pouvant donner lieu à des conjectures sur son mariage, ne venait pas d'en contracter une pour mon ami Julien Leroy. A cette pensée, je me reprochai presque de n'avoir pas éludé les questions de Rose et déçu sa curiosité. Mais qu'y aurais-je gagné? L'esprit des femmes n'est-il pas porté Ã