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LE CHATEAU DE CARILLAN. 41 tique, compromettaient encore son avenir. Ces regrets pour- tant devaient s'adoucir etdisparaître peu à peu, par l'absence prolongée de leur objet; nous l'espérions ainsi; mais nous apprîmes que, à la prière sans doute de MUe Gersol, son mari venait d'acheter dans le pays un vieux manoir restauré, qui porte le nom de Carillan, et que vous avez entrevu cette nuit. A cette nouvelle, qu'on ne put lui cacher longtemps, Julien nous fît craindre pour sa raison et pour sa vie. Son bateau lui donnait le moyen de se rendre à l'improviste à Carillan et d'en guetter les hôtes. Il commença à y passer son temps. Il se mit à l'affût, tour à tour sur terre et sur l'eau, revit MIle Gersol et pensa en mourir de désespoir. « Maintenant encore, bien qu'il soit plus calme, il donne à son père de sinistres craintes, que nous partageons. M. Le- roy lui a arraché la promesse de ne plus aller chasser de ce côté, comme il feignait souvent de le faire. De celle manière, on l'a à peu près privé des armes que le désespoir pourrait tourner contre lui. Son père n'a pu le faire renoncer pourtant à revenir à Carillan. Il fait ce voyage au moins chaque se- maine, et nous tâchons de ne jamais le laisser venir seul. « Voilà , Monsieur, l'histoire de votre malheureux ami. i Ménagez-lui des consolations; épargnez-lui les allusions ou les souvenirs. Souhaitez avec nous qu'un nouveau sentiment, moins vif sans doute, imposé peut-être par le mariage, vienne lui rendre la tranquilité. C'est ce que l'on peut espérer le jour où, Carillan vendu, monsieur l'agent de change Clairvaux, qui semble ne pas aimer le pays, aura garde d'y ramener sa femme, dont rien ne conservera plus alors le nom, l'image, ni le souvenir » M. Pivalle se tut à ces mots et personne de nous ne songea à interrompre le silence. Je ne sais ce que pensaient mes com- pagnons ; mais, pour moi, j'étais tout entier à l'émotjon que m'avait causée ce douloureux roman, raconté mieux que je