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                 DEUX POÈTES PROVENÇAUX.                 481
c'est incontestablement, des Provençaux, le talent le plus
dramatique. Le Neuf Thermidor et le Chien de St-Joseph,
deux pièces bien connues dès avant la publication du vo-
lume, donnent une idée de l'énergie et de l'originalité que
peut atteindre M. Aubanel. M. St-René Taillandier a
cité ces deux petits chefs-d'œuvre dans la Revue des Deux-
Mondes. La Blouse noire, puella, la faim sont des élégies
vigoureuses où M. Aubanel a su rajeunir des sujets souvent
traités.

  Nous espérons beaucoup de cette renaissance de la poésie
provençale. Ou nous nous trompons fort, ou il y a là une
mine nouvelle, un filon inconnu, qui produisent et produi-
ront de riches trésors. D'abord, les Provençaux forment
une école, et il n'y a pas aujourd'hui ailleurs en France
d'école littéraire. Les grands maîtres de la poésie moderne
que nous avons cités, Lamartine, Victor Hugo et Alfred de
Musset n'ont pas eu d'école ; ils n'ont eu que des imitateurs
ce qui est bien différent. Le cachet particulier à une époque,
qui a fait le succès de ces poètes, les a fait aussi vieillir,
à mesure qu'a marché le temps. Leurs œuvres datent,
comme on dit. Depuis eux, il a paru sans doute de brillantes
individualités, mais qui ont suivi chacune sa voie, sans
aucun lien qui les rattachât les unes aux autres. Et puis,
cette poésie qui a sa racine dans les entrailles populaires,
est une poésie jeune; elle a quelque chose de ce qui n'ap-
partient qu'aux peuples et aux littératures en voie de se
former. En effet, n'est-ce pas un fait surprenant aujour-
d'hui qu'une littérature purement populaire, qui se soutient
presque uniquement par le peuple? Cela n'indique-t-il pas
une race qui a des aptitudes toutes particulières, et en même
temps une langue qui a sa valeur propre, qui peut vivre
de sa propre vie? Supposez MM. Mistral, Roumanille et
les autres, nés en Normandie ou dans le Berri, écrivant
dans le patois Berrichon ou bas-Normand, pensez-vous
qu'ils eussent un seul lecteur? Nous avons trouvé, au
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