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364                    NICOLAS BERGASSE.

troubler de leurs emportements les séances du comité. Bientôt
Bergasse, irrité et dégoûté, céda la place au tribun, comme
il devait la lui céder plus tard à la Constituante, et se retira
de l'association.
    De ce milieu de rêveurs, d'hommes de lettres et de mécon-
 tents sortaient incessamment des brochures armées en guerre
pour provoquer l'opinion ou répondre à son appel sur les
questions les plus diverses. Les eaux de Paris et l'histoire se-
crète de la cour de Berlin, la banque Saint-Charles et les
récits venus d'Amérique, les obscènes pamphlets de Morande
et les lourdes dissertations sur le droit criminel, la pièce du
jour et le procès à la mode, tout était saisi, commenté, jeté
en proie à la fournaise de l'opinion. On vit alors, comme
nous l'avons vu à la veille de toutes les catastrophes, l'esprit
public revêtir toute chose de sa préoccupation, et les affaires
portant les plus irrécusables caractères d'affaires privées de-
venir des affaires publiques. Le banquier qui sacrifiait une
partie de sa fortune à l'orgueil de jouer un rôle dans la crise
qui s'annonçait, fut le triste héros d'une de ces aventures
passées du huis clos du foyer au retentissement de la place
publique. Mme Kornmann, inaccessible aux séductions de la
politique, ne l'était pas, à ce qu'il paraît, à celles de la galan-
 terie. Le désordre de sa conduite devint assez public pour
que son mari, usant avec la brutalité d'un Allemand des ex-
pédients de la législation de l'époque, obtint contre sa femme
 une lettre de cachet et la fit renfermer. Mais il faut croire
que les murailles de sa prison n'étaient ni sombres ni bien
gardées, car la belle recluse sut intéresser à son sort les per-
 sonnages les mieux placés pour la protéger. Caron de Beau-
 marchais, célèbre par sa vaillante lutte contre la vénalité du
 parlement Maupeou, se mit à la tête d'une ligue qui avait
juré de délivrer cette charmante Rosine incarcérée par un
 farouche Bartholo. Figaro sut si bien mettre en jeu tout son