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 384                LE CHATEAU DE CARIIAAN.

  sans distraction. Le soir, quelque occasion se présentait pour
  moi d'aller chez M. Laval. Je la rejetais comme la veille.
      Ces petites scènes se renouvelèrent fréquemment et prirent
  assez d'importance dans mon temps si bien occupé, pour
  éveiller mes réflexions.
      D'après le trouble momentané que ces furtives rencontres
  de regards jetaient dans mon intelligence, j'étais bien auto-
  risé à me demander quel en était l'effet sur mon aimable
  voisine, tout en me reprochant de prendre a elle plus d'inté-
  rêt qu'il n'était raisonnable. A celte question, un affreux soup-
 çon traversa mon esprit. J'osai croire que j'étais celui même
 que, de ma fenêtre, j'avais guetté au* pieds de mademoiselle
 Marguerite, et que, pour cette raison, je n'avais pu y voir.
     Je me reprochai celte idée comme une inspiration de ma
 fatuité ; mais les regards n'ont-ils pas leur éloquence ?
     Ce jour là, j'attendis mademoiselle Laval avec une véritable
 impatience, et je l'embarrassai plusieurs fois par l'insistance
 avec laquelle j'épiai ses regards et suivis ses yeux. Mon af-
freux soupçon prit un corps et se confirma.
     Je ne sais pourquoi cette découverte ne mefitéprouver au-
cun plaisir. Cela est plus difficile à expliquer que le peu d'em-
pressement que j'avais misa rechercher mademoiselle Laval.
N'aurais-je pas dû m'estimer heureux d'avoir gagné, même à
mon insu, les sympathies d'une jeune personne, sur le carac-
tère de laquelle j'avais autant de garanties ?
    Il n'en fut rien cependant. Je restai, à peu de chose près,
indifférent ; je me flattai presque de m'être trompé. J'au-
rais même voulu acquérir quelque preuve de mon erreur.
    Singulière hésitation du cœur à se prononcer !
    J'eus un moment la pensée d'interroger Bose sur les secrets
de son amie. Je la rejetai aussitôt, tout honteux a l'idée
même de tels moyens pour en venir à un but indéfini, que je
ne comprenais pas.