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330 LA GUERRE. Mais une flèche part, et, mère du silence, La flèche vient clouer sa langue à son palais ; Il chancelle, accablé sous la grêle des traits. Et la confusion croît. Choqués avec force, Les boucliers froissés perdent, comme une écorce, Leurs lames de métal, leurs clous, leurs cercles d'or ; Et de la terre monte une vapeur de mort ; Et dans cette vapeur les Erynnis cruelles, Les Kères, agitant leurs torches et leurs ailes, Tourbillonnent. Trois fois Zcus, l'arbitre puissant, A remué les dés dans le vase de sang. Les dieux sont partagés, l'Olympe délibère, Quand, tout à coup, sortant d'une nuit de poussière, A travers les éclats des lances et des chars, Un héros, un monarque apparaît aux regards. Comme autrefois tes rois, grave Lacédémone, Avec le manteau rouge il porte la couronne. Traîné par des coursiers blancs comme ceux du jour, 11 s'avance ; tout cède à sa force ; une tour Roule derrière lui, haute et d'archers remplie, Pour protéger de loin sa précieuse vie. Sa lance, comme un sceptre, étincelle en sa main ; Et tel qu'un lourd navire armé d'un bec d'airain , Divise l'onde, ainsi le char du roi, sans peine, S'ouvre une route au sein de cette mer humaine, Broyant tout au milieu des clameurs, renversant Chevaux et cavaliers dans la poudre et le sang. Ah ! sans doute il vaincra. — Non, un soldat le guette Qui bientôt va changer sa victoire en défaite, Et ce soldat n'est point un guerrier de renom. Vient-il de l'Erimanthe ou des bords du Strymon ? On l'ignore ; ce n'est peut-être qu'un métèque, Enrôlé par faveur dans h phalange grecque. Aux serviles travaux dès longtemps aguerri, Il porte, pour toute arme, un pieu mal équarri. Sa mère lui fda sa grossière chlamide ; Mais rien n'émeut son cœur : ni l'éclatante égide Où brillent les sphinx d'or sculptés en relief,