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                      LE CHATEAU DE CARJLLAN.                389
 choses? Je crois bien que je n'ai jamais voyagé , bien que
j'aie été en Angleterre. Encore moins me suis-je jamais pro-
 mené, autrement que sur le pavé d'une ville plus ou moins
grande, causant d'une manière plus ou moins futile, avec
quelque compagnon incapable de me rien apprendre ou sug-
gérer de sage. Àh ! tu n'es pas ainsi, toi ! Si je t'avais eu à
 Londres, je crois bien que je serais un tout autre homme. J'ai
 presque envie de me convertir à ta philosophie passionnée.
 Il me semble qu'elle peut avoir des douceurs. En tout cas, lefeu
avec lequel tu la professes, la recommande à l'expérimentation.
    — Oui, Ennius a du bon : erit quod tollere velles!... Tu
es aussi méchant qu'Horace, ou plutôt lu es comme tout le
monde! dit Julien d'un ton mélancolique et découragé.
    — Comment ! mon ami, t'aurais-je fâché? m'écriai-je C-
vement. Tu te trompes assurément sur mes intentions. Parle ;
que veux-tu faire de moi ? Je sens que tu es de beaucoup le
plus sage de nous deux : je m'abandonne à ta direction.
    — Merci, Edouard, répondit-il. J'accepte et voici nos
conditions. Je t'emmène. Tu viendras passer une journée avec
moi, à Besançon; pas davantage, si tu ne peux me donner
plus. Ce temps me suffira pour connaître si je puis faire en
loi l'acquisition d'un ami précieux. Dans tous les cas, pour
la nouveauté et la distraction du petit voyage que je te ferai
faire, lu me pardonneras certainement de l'avoir ravi Vingt-
quatre heures à tes éludes,
    « Oublie le moment d'humeur que je viens de te montrer.
Je suis loin d'avoir bon caractère, mon pauvre Edouard, et
cerlains chagrins que je te conterai sans doute, ont laissé chez
moi un fond d'aigreur que remue la plus légère contrariété
et qui se déverse injustement sur ceux qui m'approchent. »

                                     Félicien RAYMOND.

        {lia suite prochainement).